Exergue n° 50
« Si un homme impartial feuilletait une à une toutes les modes françaises depuis l’origine de la France jusqu’au jour présent, il n’y trouverait rien de choquant ni même de surprenant. Les transitions y seraient aussi abondamment ménagées que dans l’échelle du monde animal. Point de lacune, donc, point de surprise. Et s’il ajoutait à la vignette qui représente chaque époque la pensée philosophique dont celle-ci était le plus occupée ou agitée, pensée dont la vignette suggère inévitablement le souvenir, il verrait quelle profonde harmonie régit tous les membres de l’histoire, et que, même dans les siècles qui nous paraissent les plus monstrueux et les plus fous, l’immortel appétit du beau a toujours trouvé sa satisfaction. »
Charles Baudelaire, « Le Peintre de la vie moderne »,
dans Œuvres complètes III : L'Art romantique, Paris, Gallimard, 1868, p. 54.
Natacha Israël
20/10/2012
Ah… Que ne puis-je feuilleter le grand livre des transitions pour apercevoir plus évidemment la beauté de ce qui progresse, que je perçois mal encore et à laquelle j’essaie de contribuer seulement ou surtout par des commentaires ou par ma voix off !
Faute de savoir raconter des histoires, d’être telle une enfant face à la profusion intarissable du nouveau, d’oser flâner dans les bibliothèques et les passages parisiens, de me perdre moi-même dans la foule et de rentrer ivre chez moi, sous les toits, pour improviser (dans le but inavoué d’étourdir un autre dont je chercherais désespérément à me faire aimer) des rondes d’allégories et de métaphores, je n’omets jamais d’être seule ou seulement accompagnée par une critique, une étude ou un commentaire, à la terrasse des cafés, à la plage, à la station Maraîchers.
A moins que l’exergue et un certain art du fragment ne me détournent – enfin ! – de cette ascèse et que certains de mes congénères inversement trop frivoles y reconnaissent, eux aussi, la beauté de notre époque : l’effeuillement d’une parole que chacun prend soin de laisser fleurir et de recueillir sans trop réfléchir ni trop se hâter…
Disons plutôt que c’est un début.