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Hélène Merlin-Kajman

 


16 juillet 2022

Bouquet transitionnel

Pour notre dernière publication sur le site actuel de Transitions, nous vous avions promis un feu d’artifice d’adages. Le voici, ou plutôt, son bouquet final, puisqu’il avait commencé lors de notre précédente livraison. Impossible de vous le présenter en détail (vous le trouverez ci-dessous sous forme d’une liste) sauf à détruire sa magie. Ânonnés un à un, les dix-huit textes que nous offrons à votre lecture deviendraient une litanie assommante, alors qu’au contraire, chacun d’eux embarque avec entrain, étonnement, angoisse ou joie (c’est selon) son lecteur dans cette aventure inattendue qu’aura constituée pour nous, et j’espère, pour vous aussi, l’écriture des adages. Quand nous l’avons lancée, il y a bientôt trois ans, pour succéder à l’abécédaire (qui lui-même succédait à notre pratique des exergues), nous n’imaginions pas à quel point l’exercice allait nourrir notre réflexion sur la transitionnalité. Les adages sont des phrases morales qui peuvent devenir très fermées, rigides, sans laisser de place au jeu. Mais en les commentant à l’intersection de nos souvenirs, de nos accès de gaieté, de notre goût pour les mots, de nos curiosités, de nos interrogations éthiques ou politiques, nous avons soupesé le poids des prescriptions, des conseils, des soupçons, des accusations et les avons mis en mouvement en les reversant au profit de l’élan, de l’allant.

Ce fut, pour de vrai, une expérience de subjectivation et de dialogue tout à fait exceptionnelle. Il n’y aura plus d’adages sur le prochain site de Transitions, parce que, comme vous le verrez à la rentrée, nous avons décidé de nous concentrer sur quelques exercices destinés à creuser plus sûrement notre sillon transitionnel sans mourir à la tâche. Mais « exergues », « abécédaire », « adages » : oui, cette page qui se tourne aura été pleine de surprises, d’apprentissages et de bonheurs.

Avec cette livraison, nous terminons aussi avec éclat (j’ose le dire) nos deux années de réflexion autour de la question du minoritaire et du majoritaire. Sans l’avoir concerté, le texte pour la saynète du jour, « Clown » de Michaux, s’y prêtait : Augustin Leroy et Michèle Rosellini en proposent chacun un commentaire aussi personnel qu’émouvant, aussi soupesé que littérairement fondé : une merveille, vous verrez, à la hauteur de l’écriture de Michaux, qui étreint. J’y insiste : car cette question du « à la hauteur de » est pour nous cruciale, sans vaine coquetterie ni vain orgueil : humblement au contraire face aux textes auxquels nous choisissons de nous exposer.

Cette remarque vaut pour les deux derniers textes publiés pour ce dernier mois de ce site de Transitions. Brice Tabeling enchaîne au texte de Carlo Ginzburg tiré du Fromage et les vers proposé en conversation critique une réflexion prudente, admirative quoiqu’un peu désappointée, qui, de façon éminemment précieuse, le situe dans nos préoccupations actuelles. Enfin, Benoît Autiquet a repris l’exposé qu’il avait fait au séminaire consacré au livre de Norman Ajari, La Dignité ou la mort, dont nous avions proposé un extrait en conversation critique. Non sans point de contact avec le premier texte d’ « Air du temps » de François-Jacquet-Francillon, il en déplie la nécessité « à vif » avant de s’engager dans un dialogue serré avec Ajari à propos de ce qu’il appelle « une dignité “cannibale” dans la culture occidentale » : le caractère tranché de l’opposition tracée par ce dernier entre la culture occidentale et l’ontologie noire qu’il appelle de ses vœux, montre Benoît Autiquet, ne tient pas, que ce soit sur le plan historique (la théorie de la dignité de Pic de la Mirandole ne résume pas les positions occidentales de l’humanisme : Montaigne en est un exemple majeur) que sur le plan politique.

Avec Brice Tabeling et avec Benoît Autiquet, avec Michèle Rosellini et Augustin Leroy, avec tous nos adages, en somme, nous continuons à fonder nos espoirs sur l’existence transhistorique, et même en quelque sorte transpolitiques, des expériences métisses, impures, conflictuelles mais dialogiques, sans lesquelles aucune pensée de la transitionnalité ne serait possible. Et nous allons continuer.

Un dernier mot : ce site lui-même a été une aventure – et notamment, de travail ! Les dernières mises en ligne ont surtout reposé sur les épaules d’Augustin Leroy. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.

Je vous souhaite un bel été malgré le soleil brûlant qui ventriloque nos dangers, et vous donne rendez-vous à la rentrée, pour l’aventure de Transitions n°2 !

H. M.-K.

 

LISTE DES ADAGES du bouquet final

« A bon chat, bon rat » : Marie-Claire Vallois

« Dindon perché, temps moullé » : Lise Forment, Guido Furci, Augustin Leroy, Hélène Merlin-Kajman, Michèle Rosellini

« Envie passe avarice » : Hélène Merlin-Kajman, Michèle Rosellini

« Le hasard fait bien les choses » : Hélène Merlin-Kajman

« Les amis de mes amis sont mes amis » : Hélène Merlin-Kajman

« Parez la pierre, elle devient merveille » : Guido Furci, Augustin Leroy, Sarah Nancy, Michèle Rosellini

« Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » : Virginie Huguenin, Hélène Merlin-Kajman

« Vieille amitié ne craint pas la rouille » : Hélène Merlin-Kajman, Michèle Rosellini

 

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