Sablier n° 9.2
Marie-Dominique Laporte
06/06/2020
Ce matin, je me penche sur mon masque sans penser à d’autres que lui, ceux que j’aimais avant, moulages de carnaval, souvent peints, parfois blancs, et l’on s’y glisse entièrement.
Je noue l’étoffe, dissimule la bouche, le nez, m’allège autant que je m’abrite de ce qui se projette – fugitifs éclats à couper le souffle quand ils se posent.
J’entreprends à présent de sortir de chez moi : la protection, et les yeux se voient, la barrière tend son banc, et l’on se parle, une certaine retenue, et l’on se trouve mieux.
Si j’imagine des regards courir en dessous sur le fil du visage, aussitôt je peine à rester dans la rue. Tout à l’heure, les masques n’étaient pas de travers. Ou trop vite fuguais-je pour échapper à l’habitude d’être vue telle que je ne me sens pas être ?
Mais ce printemps, où les masques fleurissent comme un soulagement, n’écoute déjà plus le refrain ancien. Dans la transparence de l’air nouveau, l’aventure cogne au tissu : je m’avance, et respire plus décidée encore le vert de l’été qui va.
Ce soir, je m’en reviens dedans, derrière mon masque sans métaphore. Je me penche mettre mes pieds à nu, et j’effleure l’étoffe : ma bouche touche doucement l’élan, filtré au creux du jour, l’expiration glisse, tranquille, entière, j’ai retrouvé ma voix, plus claire. Je dénoue les fils. Puis je me redresse ouvrir la fenêtre sur l’arbre, et le vent dans le feuillage.