Sablier n° 4.3.
Tristan Bourhis
20/04/2020
Nous avions cassé les poignets d’une corde à sauter et percé le fond de deux gobelets en plastique ; nœuds des cordes dénouées puis renouées dans le fond des gobelets. Nous communiquions en alternant oreille et bouche pour entendre ou parler. Dans le couloir, j’entendais ta voix à travers la porte et mes paroles dans mon gobelet. Nous avions construit une chimère comme les coquillages font le bruit de la mer.
Pourquoi ce souvenir m’est-il revenu ? Il semble être un écho de ma vie.
Les conversations téléphoniques sont un remède à la solitude, mais une voix manque à l’appel. J’appelle, décroche, raccroche et je conserve le lien, la corde. Je suis relié à mes proches par le téléphone des adultes, alors je vais me munir de celui des enfants. Je voudrais chercher des cordes assez longues pour nous relier, pour te parler. Je les nouerais entre elles, à mon enfance, à toi. Nous ne nous entendrions pas mais nous serions reliés. J’imaginerais un langage où les vibrations des cordes transmettraient des messages, un langage secret où une vibration signifie oui et deux vibrations veulent dire non ; où les vibrations de nos cœurs seraient prolongées dans ce lien. Je fermerais les yeux. Je serais redevenu un enfant. Gobelet à l’oreille et ta voix à travers la porte.