Sablier
Gérald Sfez
31/03/2020
Un sinistre joueur indifférent,
Dans son for intérieur, ne faisant la guerre à personne,
S’annonçant sous des formes carnavalesques,
Toux sèche, perte du goût et de l’odorat,
Douleurs musculaires,
Symptômes sans fièvre,
Fièvre sans d’autres symptômes,
Sans fièvre ni autres symptômes,
Marchant à pas lents ou à pas pressés,
A pas lents, puis soudain pressés,
Plus vite que l’éclair,
A pas de sénateur
Juste un virus un peu pervers,
En habits d’arlequin ?
Rien de beau rien de laid
Rien d’impur ni de pur
Un asocial imprévu
Une peste, en moins bien[1]
Et…
Tiens ! L’homme a pensé à tout, sauf à sa vie ?
Il a échafaudé le Développement
Et voilà que l’échafaudage s’effondre,
Que l’irrespirable se montre à nu.
L’État totalitaire jugule l’épidémie par la contrainte et la surveillance généralisée, ce qu’il sait faire !
Triste leçon ! Où sont passés les vrais moyens de la démocratie ?
Chaque pays a ses industries si délocalisées que le système sanitaire est partout désarticulé !
On n’avait pas pensé aux masques !
Dans le confinement général,
La croissance vorace n’a plus de sens !
Les eaux de Venise retrouvent enfin leur transparence, le ciel est d’un vrai bleu
Les dauphins réapparaissent
Toutes les villes désertes du monde sont sinistrement vides et tellement magnifiques
Mais quel photographe de guerre pour pouvoir aller les photographier ?
Il enrage.
C’est l’ironie.
Je crois bien ne pas connaître grand-chose de ce petit virus qui me fait des clins d’œil en passant,
Mais je devine seulement son blason adressé à une humanité désinvolte :
« On n’y échappe pas ! [2] »
— Quoi ? Il a lu Boris Vian ?
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[1] Hommage au dernier roman de Jean Echenoz « Vie de Gérard Fulmard »