Exergue n° 52
« Je souffrirai donc avec l’autre, mais sans appuyer, sans me perdre. Cette conduite, à la fois très affective et très surveillée, très amoureuse et très policée, on peut lui donner un nom : c’est la délicatesse : elle est comme la forme “saine” (civilisée, artistique) de la compassion. (Athé est la déesse de l’égarement, mais Platon parle de la délicatesse d’Athé. Son pied est ailé, il touche légèrement) ».
Roland Barthes, Fragments d’un Discours amoureux,
Seuil, « Collection Tel Quel », 1977, p. 70.
Virginie Huguenin
03/11/2012
Or, prenons ce mot : « délicatesse ». Pour Barthes, elle est une position éthique d’un sujet à soi-même et aux autres, qui manifeste la peur de la blessure, de l’éclat, du retentissement.
La délicatesse a rapport à la politesse et à la civilité. C’est un état d’équilibre, de finesse et de subtilité qui marque le contour d’un espace d’échange, bordé par le souci de soi (celui de se protéger), et le souci des autres (celui de ne pas blesser).
La virtuosité qu’elle requiert fait de la délicatesse un art, à rapprocher sans doute de la littérature. Elles forment des objets fédérateurs et collectifs, indispensables à nos sociétés, au « vivre ensemble ».
Délicatement, donc, Athé marche entre nous : de nous à vous et de vous à nous, elle tisse du lien.