Exergue n° 102
« Comment le plus court chemin d’un point à un autre se serait-il montré sinon du nuage que pousse le vent tant qu’il ne change pas de cap ? Ni l’amibe, ni l’homme, ni la branche, ni la mouche, ni la fourmi n’en eussent fait exemple avant que la lumière s’avère solidaire d’une courbure universelle, celle où la droite ne se soutient que d’inscrire la distance dans les facteurs effectifs d’une dynamique de cascade.
Il n’y a de droite que d’écriture, comme d’arpentage que venu du ciel.
Mais écriture comme arpentage sont artéfacts à n’habiter que le langage. Comment l’oublierions-nous quand notre science n’est opérante que d’un ruissellement de petites lettres et de graphiques combinés ? »
Jacques Lacan, « Lituraterre », dans Littérature et psychanalyse,
n° 3, octobre 1971, Larousse, p. 8.
Hélène Merlin-Kajman
04/01/2014
Ce qui me plaît avec Lacan, c’est de n’y piger souvent que dalle et d’imaginer pourtant qu’en s’appliquant, il serait facile de le pasticher. Neurones miroir, parions, plutôt que le stade. Outre qu’il me fait souvent franchement rire. D’où vient ce rire, sais pas. Des entrailles ce crois-je. Bon, d’accord, du langage aussi : très fort, le Lacan. Du langage avec surgissement d’images. Feu d’artifice, oui : sioux plaît, imaginez vraiment que ce sont fusées, et mallarméennes, à éclater là, dans un ciel, vôtre et pas, un jour de grande lumière (car grand jour pour ce feu-là) : nuage qu’un vent pousse, universelle courbure, « ruissellement de petites lettres », dynamique de cascade, froufroutement de tout un non-petit monde affairé effaré : la mouche, l’amibe, la branche, et tout ça, parce que les hommes « jaspinent » (des lignes avant)...
− Dans ce texte que vous citez, que de mépris aussi : « Loin en tout cas de me commettre en ce frottis-frotta littéraire dont se dénote le psychanalyste en mal d’invention, j’y dénonce la tentative immanquable à démontrer l’inégalité de sa pratique à motiver le moindre jugement littéraire. » Et rien que ce verbe, « jaspiner ».
− Oui, « lituraterre » : « La civilisation, y rappelai-je en prémisse, c’est l’égoût. Il faut dire sans doute que j’étais las de la poubelle à laquelle j’ai rivé mon sort. On sait que je ne suis pas seul à, pour partage, l’avouer. »
− Ça vous fait rire ?
− (Moi, perplexe) Pas du tout.
− Le rapport avec Transitions ?
− Ben voyons, relisez lentement la première phrase (la lacanienne, pas la mienne). Etes pas idiot ni idiote, ce crois-je...
− Expliquez-moi...
− Ah non ! Relisez la mienne, pas la lacanienne...
− Vous vous défilez.
− Un peu. Puisque vous insistez... Le rapport, c’est l’arc-en-ciel – pas la poubelle ni l’égoût.