Exergue n° 121
« Le train descend vers elle. Dans la hauteur du ciel, au-dessus, il y a, suspendue, une brume violette que le soleil déchire en ce moment. On peut voir qu’il y a très peu de monde sur la plage. La courbe majestueuse d’un golfe est colorée d’une large ronde de cabines de bain. Des hauts lampadaires blancs régulièrement espacés donnent à la place l’allure altière d’un grand boulevard, une altitude étrange, urbaine, comme si la mer avait gagné sur la ville, depuis l’enfance. »
Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein,
Paris, Gallimard, 1964.
Natacha Israël
17/05/2014
La plage, même celle de T Beach, est également une transition. La plage comme barrière géologique mais une barrière exposée, offerte, quoique longtemps ignorée, au farniente (ma mère), au volley (mon père), à la pétanque (mon grand-père), au club Mickey (mes cousins et moi). Offerte à la lecture aussi, bien sûr. Pendant que des corps vont chercher les vagues là où elles naissent, au large, et reviennent vers le bord plus adolescents qu’en partant et presque pareils à des poissons volants, le mien rêve à d’autres îles et à d’autres plages. Il rêve aux bains chauds et doux de l’enfance dans une Manche rebutante pour certains aînés ; à ceux, dangereux, dans l’Atlantique ; aux bains plats et calmes sur les plages du Roussillon ; au seul bain, somptueux et glacé, à Vagueira ; au Lido, devant l’Hôtel des bains, le regard tourné vers Venise, sans mélancolie. Il se remémore l’un de ces bains à Bali, à l’heure bleue ; et quelques endroits où l’eau fut seulement admirée : Elbe, Nice, Tanger, Rabat, Oostende, Great Neck et la banquise depuis le ciel. Si je retourne à mon livre, ce n’est pas seulement parce que Duras se laisse emmener à la plage mais parce que, de toute façon, le livre et la plage sont semblables. « Voici la mer, calme, irisée différemment suivant ses fonds, d’un bleu lassé. »