Exergue n° 122
« La sidération, dit le dictionnaire, est un terme d’astrologie. C’est l’influence subite attribuée à un astre sur la vie ou la santé d’une personne. C’est aussi un terme de médecine désignant l’état d’anéantissement subit produit par certaines maladies qui semblent frapper les organes avec la promptitude de l’éclair ou de la foudre. Elle est aussi comme la pièce manquante d’un puzzle, on peut en tracer les contours mais, du trou ou du blanc lui-même, on ne peut rien dire. »
Rosie Pinhas-Delpuech, Suites byzantines,
Ed. Bleu retour, p. 57.
Gilbert Cabasso
24/05/2014
Toujours cet étonnement au parcours du dictionnaire, devant la mise en résonance des mots. J’aime qu’entre désastre et désir, la sidération prenne sa place muette. Et, comme si le silence forcé ne pouvait être abandonné à son injuste sort, Rosie Pinhas-Delpuech nous offre la bonne image spatialisée de l’inconscient sous la forme de la pièce manquante d’un puzzle dont il faudrait dire pourtant qu’aucune, jamais, ne fournira l’élément nécessaire à la saisie d’une forme achevée. Peut-être est-ce la condition même du jeu, celui des hypothèses et des anticipations forcément inadéquates, des récits et des questions à peine esquissées dont on n’ose parfois prononcer le premier mot.
Mais la sidération n’est-elle pas aussi le nom de cette fulgurance, le coup venu d’on ne sait où, entre cela qui nous bouleverse, visage, paysage, œuvre, et ce lieu intime et dérobé à nous-mêmes, d’où surgit soudain le trouble auquel se reconnaît la beauté ?