Abécédaire
Virginie Huguenin
22/04/2017
1. « Pique-assiette » : c’est une personne qui a l’habitude de se faire inviter à manger sans bourse délier et sans rendre la pareille. Selon les dictionnaires, ce mot n’existait pas avant le XIXème siècle et serait dérivé de l’expression « piquer les assiettes » (ou « piquer l’assiette »), sortie d’usage. Les siècles précédents lui préféraient le mot « écornifleur » que l’on trouve sous la plume d’Érasme et de Ronsard. Celui qui « écornifle », nous dit Furetière, c’est celui « qui cherche des repuës franches, des franches lippées », des repas qui ne coûtent rien.
2. « Pique-assiette » : le mot me ravit. « Écornifleur » me met en joie, tout comme ces « franches lippées ». Un petit animal chapardeur, ventru et court sur pattes s’invite dans mon esprit : c’est un proche cousin du niffleur de Rowling dans la saga des Harry Potter. Dans un monde qui reste à inventer, le pique-assiette serait de ces êtres aussi attendrissants que pénibles, qui questionneraient les notions de propriété et de partage en éprouvant leur définition par des actions telles que : piquer dans l’assiette d’autrui. Par exemple : une frite. Il réitèrerait ce geste à l’envi, jusqu’à ce qu’au moins la victime du préjudice n’en éprouve plus ni frustration ni colère, jusqu’à ce qu’au mieux elle partage avec lui son assiette de frites.
Évidemment, ce pique-assiette-là n’en mangerait pas.
3. « Pique-assiette » : il est de certains qui en vivent. À Paris, ils sont passés maîtres dans l’art de s’inviter dans des soirées mondaines, trompant les attachés de presse et les hôtesses d’accueil. Ils mangent, boivent et s’amusent à l’œil. Dans les milieux nocturnes parisiens, on les nomme joliment les « hirondelles ».
4. « Pique-assiette » : aux abords des forêts, dans les clairières, les marais, les régions côtières et montagneuses, la femelle coucou parasite les nids des autres espèces en y déposant ses œufs – le plus souvent, elle choisit un nid de rousserolles. Elle gobe un œuf de la couvée de la rousserolle afin d’y placer le sien et tromper ainsi l’attention de ses victimes. À sa naissance, le jeune coucou jette hors du nid les autres œufs pour s’attacher exclusivement les soins et la nourriture apportés par ses parents adoptifs.
5. Insolente hirondelle et
Cruel coucou !
Mais
« Ces oiseaux, me disait mon grand-père, annoncent le printemps ».
Alors
Je scrute l’horizon.
Je tends l’oreille.