Abécédaire
H. Merlin-Kajman
11/06/2016
« Tout » est un mot simple, surtout quand il désigne des choses simples.
— Y a-t-il des choses que tu n’aimes pas ? me demande une amie qui m’invite à dîner pour la première fois. — Non, ne t’en fais pas, j’aime absolument tout.
J’interroge le marchand de fruits et de légumes en lui désignant une poignée de cerises à l’étalage : « C’est tout ce qui vous reste ? » - Oui, me répond-il. « Bon, alors, donnez-moi le tout », lui dis-je, déçue de cette portion congrue.
« Il faut goûter de tout », apprend-on aux enfants. Et des personnes, petites ou grandes, on fait cet éloge : « Elle est curieuse de tout ».
« Mon premier est un félin qui aime dévorer mon second ; mon second est un animal à queue longue que pourchasse mon premier ; mon troisième est une préposition ; et mon tout est mis en abyme. » (réponse : « charade »)
Ce sont là des touts sans prétention, limités dans le temps et dans l’espace, des façons de s’élancer dans le monde, des extensions modulables, presque des entrechats, des figures dansées avec l’hyperbole et la quantité...
Un pas de plus, un saut périlleux – voici l’ardeur, la tendresse, la passion, le désir :
— Comment m’aimes-tu ? — Je t’aime tout entière...
Mais les choses se compliquent très très vite... Viennent les ivresses de la totalité.
Et les problèmes, croyez-moi, ne s’arrêtent pas là.
Que faire de tout l’univers (l’ancien cosmos, ce grand tout bien ordonné) ?
Comment se débrouiller avec la volonté de tout le peuple ?
Comment penser toute l’histoire de l’humanité ?
Etc.
Plus drôle : Monsieur tout le monde !
Et tout ça, parfois, devient l’affaire de toute une vie (celle des philosophes).