Exergue n° 10
« Le rôle de l’écriture est de constituer, avec tout ce que la lecture a constitué, un "corps" (quicquid lectione collectum est, stilus redigat in corpus). Et ce corps, il faut le comprendre non pas comme un corps de doctrine, mais bien – en suivant la métaphore si souvent évoquée de la digestion - comme le corps même de celui qui en transcrivant ses lectures, se les est appropriées et a fait sienne leur vérité : l’écriture transforme la chose vue et entendue "en forces et en sang" (in vires, in sanguinem). »
Michel Foucault, Dits et écrits,
Paris, Gallimard, 1994, t. IV, p. 422.
Marie Bolloré
19/11/2011
Digestion - transit de la lecture - méditation du texte par le lecteur (ici dans l'usage des exercices spirituels de la sagesse antique), restauration transformée dans l'écriture. Nous traduirons par «transition» ce complet circuit d’une sentence ou d’une réflexion que le lecteur actualise en la rendant vivante en lui. Cette vision de la lecture et de ce qu’on peut retirer d’un texte, c’est qu'il est riche de sens et d'expérience. La digestion renvoie au mécanisme qui fait que la lecture nous marque et laisse une empreinte en nous. Ce qui n’exclut pas la réciproque : l’écriture des hypomnêmata (la prise de notes) illustre ce travail de méditation-manducation, où le sujet accorde une vérité au passage qu’il écrit, afin de pouvoir se le remémorer et le faire sien. Le passage par le carnet, de la lecture à l’écriture, est essentiel puisqu’il est l’enchiridion, arme qui libère, toujours disponible à avoir sous la main, pour mémoire. Il y a donc une permanente transition entre le Moi et le texte, de la lecture à l'écriture jusqu'aux différentes relectures.