Exergue n° 39
« Selon Maïmonide, les deux premiers commandements ne proviennent pas d'une révélation directe à toute la communauté d'Israël. Tout ce qui leur fut révélé, ce qu'Israël entendit, n'était autre que cet Aleph avec lequel commence le premier commandement dans le texte hébraïque de la Bible, l'Aleph du mot Anochi – « Je ». Cette phrase me semble en vérité remarquable, et me donne matière à réflexion. C'est que la consonne Aleph ne représente en hébreu que le premier mouvement du larynx dans la prononciation (comme « l'esprit doux » en grec), qui précède une voyelle au commencement d'un mot. Cet Aleph représente donc, pour ainsi dire, l'élément d'où provient chaque son articulé […]. Entendre Aleph, c'est proprement ne rien entendre, il représente la transition vers toute langue compréhensible, et on ne peut certainement pas dire qu'il intervienne dans un sens spécifique, avec un caractère nettement déterminé. »
G. G. Scholem, La Kabbale et sa symbolique,
Paris, Petite Bibliothèque Payot, p. 40.
Dionys Del Planey
09/06/2012
Toute une religion qui se bâtit à partir d'un son qui ne se prononce pas. Toute une tradition mystique qui s'expliquerait par un accès sans cesse renouvelé à cet Aleph, qui ouvrirait en permanence à de nouvelles transitions possibles.
Supposons que la littérature soit un moyen d'entrer en contact avec les dieux qui se sont tus dans un soupir à peine audible. Lorsque son autorité est contestée, la meilleure chose à faire n’est-elle pas de remonter à ce souffle, à ce carrefour ouvrant sur un infini de chemins, afin de trouver de nouvelles langues, de nouvelles voies (voix ?) pour s'entendre dans le vacarme qui caractérise notre époque de crise ?