Exergue n° 61

 

 

« Des cinéastes de cette envergure, qui créent et filment dans le rythme, l’urgence, l’énergie […] savent aussi atteindre à l’infinitésimal, à l’état primitif où l’émotion émet sa vibration, ainsi que Nathalie Sarraute, par exemple, la suscite et la décrit dans ses romans. C’est une grande leçon pour un musicien. Car de la même façon, en musique, il y a dans le cours narratif d’un morceau un instant où l’on touche au cœur des choses : c’est là que ça se passe, et c’est de là qu’on va repartir » 

Philippe Cassard, Deux Temps trois mouvements. Un pianiste au cinéma,
Ed. Capricci, 2012, pp. 56-57. 

 
 


Jean-Patrick Géraud

05/01/2013

Ce surgissement de l’émotion que le pianiste Philippe Cassard évoque en parlant du cinéma de John Cassavetes, comment le dire et le rendre intelligible autrement que par analogie avec le texte littéraire ? La comparaison avec la romancière Nathalie Sarraute intervient de façon naturelle, comme si la continuité entre les images filmiques et l’écriture allait de soi, mais surtout comme si les premières ne pouvaient être dites autrement que par les verbes désignant la seconde. Pour évoquer la vibration de l'émotion, d’autres se seraient contentés d’un signe – ou d’un silence – au hasard : les points de suspension. Mais la rhétorique de l’indicible est étrangère à Cassard. La littérature lui apparaît comme le fil d’Ariane qui guidera le lecteur vers la compréhension d’un langage technique (le film) ou abstrait (la musique). Elle permet de les raconter, de les décrire, bref de les instruire. Et non contents de s’inspirer à son contact, la musique et le septième art s’y rendent compréhensibles par leur public.

 

 

Powered by : www.eponim.com - Graphisme : Thierry Mouraux   - Mentions légales                                                                                         Administration