Exergue n° 111

 

« […] Dès qu’un objet caresse l’âme de je ne sais quelle volupté, on déclare aussitôt qu’il est beau. Et cependant il n’y a rien de plus fallacieux ni de plus incertain que cette règle, car la beauté fausse et mensongère pénètre de plaisir les esprits prévenus d’opinions erronées, et ces mêmes esprits, souvent, ne sont pas pénétrés par la beauté vraie et solide. » 

Pierre Nicole, La Vraie beauté et son fantôme et autres textes d'esthétique
(Dissertatio de vera pulchritudine et adumbrata, 1659),
éd. et trad. de Béatrice Guion, Honoré Champion, 1996, p. 53)

 
 



Aude Volpilhac

08/03/2014

 

Et si, pour faire place à la beauté, il fallait commencer par se délivrer de son fantôme ?  Refuser l’étreinte conquérante, l’effleurement captivant, se déprendre des rets de la fascination et enfin terrasser tous les spectres que nous avons nous-mêmes engendrés ? Établir à l’entrée de notre âme un cerbère sans bienveillance, dressé à faire évanouir ses ombres contagieuses pour mieux se laisser envahir par la vraie beauté ?

Mais notre âme peut-elle être à l’image de la cité, et quelle sentinelle saurait reconnaître d’emblée la beauté véritable, qui aveugle tout autant que la fausse nous engourdit, qui nous fait violence tout autant que l’autre nous éblouit ?

Mais désormais, alors que Platon et Dieu dialoguent sûrement entre les morts, y a-t-il encore ici une vraie beauté, visible, manifeste, qui se laisse découvrir aux yeux qui se plissent, et là, aux abords, son singe, sa grimace ?

   

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