Adage n° 22.1 : Faut pas pousser mémé dans les orties / A. Leroy



Adage n°22.2.

 

Faut pas pousser mémé dans les orties.
 
 

Augustin Leroy

06/02/2021

 

Et pourquoi pas ?

Je me rappelle me promener avec ma grand-mère, à la campagne, en présence de belles orties, longues, touffues, enchevêtrées, aussi vives qu’urticantes et imaginer ce qu’il en serait de quelqu’un jeté pêle-mêle dans la masse verte, dentelée et poilue – oui, car ce qui pique, dans l’ortie, ce sont des petits poils blancs, situées sur les feuilles, dont elle se sert pour se défendre face aux postérieurs inattentifs ou aux mollets téméraires. Saisie délicatement par la tige, l’ortie est indolore. Du reste, quand on me dit « faut pas », j’en ai tout de suite envie. Un peu comme Chateaubriand qui raconte que, devant les interdits familiaux, il fit « tout le mal qu’on attendait de lui ».

  Longtemps j’ai eu envie de pousser mémé dans les orties, pour voir, histoire de… Les orties n’ont jamais tué personne, on s’en remet vite, malgré des démangeaisons franchement désagréables. J’imagine Mémé, surprise, furieuse, blessée que son petit-fils, qu’elle aime tendrement, lui fasse un pareil coup, pour rire, du genre à retirer la chaise de quelqu’un qui va s’asseoir, pour voir s’il tombera… Peut-être qu’elle m’aurait grondé – du moins j’aurais attendu qu’elle le fasse. Peut-être qu’après m’avoir grondé, elle m’aurait fait voir comme ça part vite, les piqures d’orties et que c’est pas bien grave d’avoir poussé mémé dans les orties.

Il faut bien reconnaître que dans ma tête de gosse, le corps de ma grand-mère n’aurait jamais pu s’abîmer contre une mauvaise pierre incidemment cachée sous les touffes d’herbes. Pas de principe de réalité pour contrevenir à mon plaisir sournois d’enfant curieux, mais plutôt un désir secret de voir comment une adulte se débrouille avec le méfait commis par ce marmot qu’elle semble aimer sans relâche. Pousser mémé dans les orties : la première déclaration de guerre, une demande d’expulsion hors de l’amour familial en bonne et due forme.

C’est peut-être parce que j’aime profondément mes deux grands-mères et que je déteste les orties que jamais je n’ai poussé les premières sur les secondes. J’ai pris en revanche un plaisir indiscutable à imaginer l’effet comique de cet acte. L’année dernière, pendant le confinement, les orties ont pris de gigantesques proportions. Les mémés, elles, ont dû rester chez elles et ne sont pas ressorties. D’autres ont disparu ; elles manquent aux orties et aux enfants. Toutefois, je continue à croire qu’il y aura, au-dehors, des mémés et des orties où se piquer les mollets et dans lesquelles les enfants, au hasard de leur promenade, rêveront de jeter les adultes, histoire de.

 

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