Adage n°4.1. : Le mieux... /J. David
Adage n°4.1.
Jérôme David
01/02/2020
Voilà qui vaut maxime pour la phronesis aristotélicienne : la sagesse ou la connaissance théorique préconise ce qu’il faudrait faire ; la rationalité pratique adapte cet idéal aux circonstances. Le mieux est une gageure intenable. Le bien résulte d’une délibération. Et puisqu’il est question de souvenirs d’étude, ici, j’ajouterai que cet adage pouvait également tenir lieu, jadis, de pense-bête bourdieusien : la systématicité excessive de la théorie interdit de comprendre le flou des pratiques.
Alors pourquoi ne puis-je m’empêcher de marteler ce proverbe à mes enfants ? L’éthique à Nicomaque et la tagadactactique de Karl Marx, oui, oui. Mais le petit père La Morale, dans tout ça ?
Le surmoi est l’ennemi du moi... N’y a-t-il pas trop de prudence dans cette phrase qu’on avale sans pouvoir la mâcher — trop de modération pour qui s’efforce de peaufiner un tour de magie, faire de plus beaux virages en snowboard ou raconter une blague sans en gâcher la chute ? Bah, remets tout bonnement ton jeu de cartes dans le bon ordre, ma fille ! Apprends à tomber sur les pistes avec grâce, mon fils ! Vous me ferez rire la prochaine fois !
Surtout, surtout : le bien a-t-il besoin d’un ennemi? Funeste idée, que de le définir à partir de ce qui lui serait étranger. Et avec quelles armes le combattre, ce mieux, sinon le cynisme, la résignation, l’ataraxie ?
Mettons que le mieux soit quand même l’ennemi du bien, pour ne pas bouder le sens commun. De deux choses l’une : soit il est son « doux ennemi », et cette séduction attire et enhardit l’adversaire ; soit le bien n’est pas, en retour, l’ennemi du mieux, et il n’y a de haine ici que platonique.