Abécédaire
Hélène Merlin-Kajman
30/05/2015
Définir savamment le soufre est possible : élément chimique, il se traduit en symbole (S), en numéro atomique (16), en formules diverses, en masses, en tableaux, etc..
Mais le soufre existe dans la nature, jaune pâle, brûlant avec une flamme bleue, tout en étrangeté ; et son odeur, suffocante, ses propriétés, explosives, ont fait de lui ce qu’il reste obstinément dans notre imaginaire : un être sulfureux.
Je pourrais suivre l’histoire de ses emplois, les détailler ; il a l’honneur de la première arme chimique et du premier explosif, du premier insecticide aussi ; car tout n’est pas ténébreux en lui, quoique contesté : on sulfure la vigne, on soufre le vin... Même, certains de ses usages étaient autrefois jugés purificateurs : c’est ainsi qu’il éloignait la vermine, nous dit Homère (Wikipédia) ; et que le feu justicier du Dieu biblique versait des torrents de soufre...
Mais à quoi bon ? Rien ne peut retirer au mot ses puissantes connotations démoniaques : il brûle si bien, et si longtemps, il sent si mauvais alors, sa combustion infernale associe de façon si inquiétante, sans les mélanger, ces couleurs, jaune et bleue, comme si elles résistaient triomphalement à l’appel amoureux de leur fusion verte, que l’on peut comprendre sans peine qu’il ait été obstinément associé au diabolos.
L’attrait est puissant ! L’effroi, violent !
Et les vieux anathèmes rejouent ces manichéismes : les hérésies contre les Églises (ou l’inverse ?)...
(Enfant, je mangeais en cachette le bout des allumettes calcinées. Essayez : c’est délicieux, c’est exaltant.)