Abécédaire
Manon Worms
01/11/2014
Goscinny a brisé un suspense, a levé un mystère. Je lui en veux, un peu, comme j’en veux à cette fille aux yeux verts et aux longs cheveux bouclés de mon école primaire et qui s’appelait Océane (Océane !), depuis qu’elle me révéla, un jour, solennellement, que le Père Noël n’existait pas.
- Obélix, je comprends, c’est comme l’obélisque de la place de la Concorde, on y passe souvent en voiture… Idéfix, bon, une idée fixe, quoi… Mais Astérix, ça vient de quel mot, dis ?
- Eh bien, d’un astérisque.
- Un quoi ?
- Un as-té-risque.
- Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
- La petite étoile qu’il y a parfois après les mots. Tu sais ? Ou, tiens, dans une publicité, en tout petit au-dessus du prix ou de la « super promo », souvent pour te dire que ce ne sera pas une si bonne affaire que ça…
- Ah oui d’accord…
Et voilà. Plus de mystère du mot, ce mot si étrange, si difficile à dire, beaucoup plus grand que ce qu’il désigne.
Et puis je me rends compte que le mystère reste entier. Qu’est-ce que c’est vraiment que cette petite étoile ? Pourquoi une étoile, est-ce qu’elle est tombée du ciel ? Ce que je comprends, c’est que c’est une étoile puissante. Elle te fait dévier de ta ligne, sortie de route brutale, décidée ou non, tout d’un coup ça tombe vers le bas et les yeux se plissent, cherchent la petite ligne, l’information – jamais indispensable, souvent utile – un après-coup et tout ce que ça peut avoir de dérisoire.
L’astérisque est un appel, un vertige. Tu peux choisir, ou pas, de faire tomber ton regard, de soudainement éprouver que chaque texte a une gravité. Astérisque-s et périls. Je me demande toujours si j’arriverai à remonter ensuite, à de nouveau escalader la page, si je ne resterai pas bloquée un jour en bas, dans le sillage ouvert par la petite étoile.