Eva Avian

19/05/2018

Du latin « satis », qui signifie « assez, suffisamment ». La satisfaction est d’abord une réparation, l’acquittement d’une dette, humaine ou divine. Il fut un temps où « demander satisfaction » consistait à réparer son honneur dans le sang : le critère de l’appartenance à la bonne société, en Allemagne, était la Satisfaktionfähigkeit, d’après Norbert Elias, « c’est-à-dire le droit de provoquer en duel ».

Il y a beaucoup de façons de passer à côté du mot « satisfaction ». « Satisfait » : un gros bonhomme content de lui, ou un consommateur qu’on n’aura pas à rembourser. « Satisfaisant » : une appréciation qui, paradoxalement, laisse sur sa faim, à partir de quoi il faudra tâcher de faire mieux. « Se satisfaire » donne l’idée d’un pis-aller, manière de dire qu’on se satisfait de pas grand-chose. Mais, déjà, la satisfaction voisine avec deux sens contraires : la sagesse de celui qui se contente de ce qu’il a, de ce qui est, et l’incrédulité face à qui est parvenu à se satisfaire du monde tel qu’il va.

Le second écueil est de n’envisager la satisfaction qu’à la négative, en convoquant d’emblée ce jeune Anglais qui, parce qu’il essaie, qu’il essaie, qu’il essaie, ne peut obtenir satisfaction. Aussi le premier résultat du TLF est-il « non-satisfaction », et l’ordre alphabétique n’explique pas tout. C’est, sans doute, que dans son premier sens, presque économique, la satisfaction semble très antipoétique. Elle donne l’idée d’un terme, d’un achèvement, et porte une note un peu moralisatrice : à la satisfaction de la vengeance, préférer celle de la clémence, au plaisir à court terme, la tâche pénible ou « satisfaction du travail accompli » – elle est l’antonyme du désir.

Si les poètes demandaient satisfaction, il n’en resterait pas beaucoup. Trop maladroits. Et s’ils l’obtenaient… mais il serait trop facile de retourner chaque « Hélas ! » en « Tant mieux ! », et Marot a bien écrit « Du content en amours » : « Qu’un chacun donc voise chercher son bien : / Quant est à moi, je me trouve très bien. »