Abécédaire
Hélène Merlin-Kajman
28/01/2017
1. Un géant est un être de très grande taille, incommensurable avec le possible (les géants des mythes et légendes) ou avec le probable (voyez la liste des records sur wikipedia).
Sa grandeur étant donc assez relative, il suffit peut-être, pour définir un géant, de dire que sa taille doit dépasser nettement la mienne [1], en hauteur avant tout, mais aussi un peu en largeur : il est rare qu’évoquant un géant, on pense à un géant plus mince que soi (mais après tout, je ne sais pas).
2. Pourtant, je ne crois pas qu’à l’enfant les parents apparaissent comme des géants. La taille d’un parent est faite pour celle de l’enfant. Elle lui promet qu’il grandira. La taille d’un géant est d’une disproportion toujours un peu inquiétante voire menaçante.
3. Fascinante aussi. Il y a du charme dans le géant. Quand, dans le métro, un homme [2] doit pencher sa tête pour entrer dans la rame, quand il doit rester un peu courbé durant tout son trajet, mes yeux se détachent de lui avec peine.
4. La taille des géants de la mythologie est inimaginable. Leur front touche le ciel. Atlas porte le monde.
5. Bien des peuples ont tenu les géants pour des créatures un peu divines.
Dans la réalité, le vrai géant semble une créature plutôt pitoyable, dont le corps n’était pas fait pour ça.
6. Il y a des plantes géantes et des animaux géants. La baleine et le séquoïa.
La baleine surtout me fait frémir des pieds à la tête.
7. Comme le nain, le géant fut montré dans les foires, à l’époque où elles exhibaient des singularités et en faisaient des monstres.
Dans les siècles antérieurs, on connut des nains bouffons. Jamais ce rôle n’échut aux géants, auxquels ne s’attache que l’idée de la force. Les hommes raisonnablement géants furent très recherchés pour former des régiments de mercenaires redoutables.
8. Ce qui me plaît par-dessus tout, c’est la confrontation légendaire du petit avec le géant.
Ce dernier écrase tout sur son passage. Sa vie est simple, et plutôt plate. Il arrache, il dévore [3]. Il terrifie, il soumet. Sa force l’ayant dispensé d’intelligence, il est obtus et inepte : c’est déjà miracle qu’il parle. De ce miracle, il n’a rien fait. Un miracle que le petit sait retourner à son profit.
Le petit a le temps pour lui. Il se faufile et observe. Il a vite fait de comprendre que si le corps du géant est grand, son cerveau ne dépasse pas la taille d’une noix. L’habilité du petit étant égale à sa joie, et sa joie égale à son courage, il fait merveille. Face à ce prodige, le géant ne peut rien, rapportent les contes qui nous consolent.
9. J’aime beaucoup comment les lèvres prononcent le mot : elles s’ouvrent, bouche bée, à cette grandeur échouée sur la langue dans un mélange de stupeur et d’émerveillement.
Il y eut une mode où l’on s’exclamait à tout bout de champ : c’est géant !
[1] Je demande pardon aux lecteurs qui n’ont jamais rencontré de personne sensiblement plus grande qu’eux et leur décerne sans coup férir le titre de « géant(e) ».
[2] J’avoue que je n’ai jamais vu de femme dans cette situation.
[3] Les ogres constituent une variété de géants bien connue des enfants.