Hélène Merlin-Kajman
21 janvier 2012
Nous n'avions pas imaginé, en projetant de faire succéder les deux thèmes de réflexion de la beauté et du contresens, qu'ils se révéleraient étroitement liés. La contribution de Florence Naugrette mise en ligne cette semaine pose une question : « Peut-on parler de contresens de mise en scène ? » et nous invite à chercher dans la beauté le critère de ce que n'est pas un contresens au théâtre : si l'écart en quoi consiste une mise en scène est beau, alors, la question du respect du sens du texte est comme résolue ipso facto.
Oui, dira-t-on, mais qu'est-ce qu'être beau ? La bonne direction (comme on parle de « vie bonne »), ce qui, nous donnant du bonheur sensible, nous oriente bien ? Peut-être en tout cas la qualité d'une adresse, d'un certain souci des spectateurs - ou des lecteurs, des auditeurs, etc.
Pourquoi l'onirique oiseau « ombredindoute » que nous présente aujourd'hui Pierre François Berger est-il beau? Parce que, effleurant notre pudeur, il nous expose (pataud, informe, magique, cocasse, agitant des lettres et des nombres comme des sortilèges d'enfant) et qu'en même temps, nous figurant (nous voilant), il se soucie de nous, donnant forme inattendue à des points névralgiques de nous-mêmes (l'enfer de l'arithmétique ou de l'orthographe, le chaos des chiffres, des mots, de la naissance au langage, des premiers pas...)...
La poésie, alors, plutôt ? L'exergue de cette semaine nous invite à le penser, une citation de Char, non pas développée mais appropriée pour nous par Aude Volpilhac, qui écoute et traduit pour Transitions ce qui « existe préliminairement en traits, en spectre et en vapeur dans le dialogue des êtres » - dialogue que poursuivent aussi les deux réponses de la semaine au questionnaire, de François Pellerin et de Jorane, tandis qu'Helio Milner s'empare d'un adage d'Erasme pour son nouveau « Trope », « Les yeux des loups »...