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Hélène Merlin-Kajman

12 janvier 2013

 

Pas d'accord

 

Frédéric n’est pas content de notre questionnaire. Mais il a répondu. De façon sèche ou abrupte, mais répondu. Par exemple, à la question qui demande s’il est grave que les enfants « n’arrivent pas à lire », il dit : « C’est eux qui peuvent répondre ».

Pas d’accord. Même si la question, en sa brièveté, est terriblement insuffisante (et je serais embarrassée pour y répondre), il s’agit d’une question politique. Les enfants ne peuvent pas, ne doivent pas, répondre à des questions politiques. Comment le pourraient-ils, alors qu’ils sont en train d’apprendre (et il leur faudra des années) à évaluer si une chose est grave ou non ? Comment le devraient-ils, sauf à vouloir les expulser de l’enfance ?

Encore l’enfance...

Je relis ma première phrase. « Frédéric n’est pas content. » Elle rend un son bizarre. On dirait une phrase ironique qui ferait mine de parler d’un enfant. Mais je n’ironise jamais sur une réponse à un questionnaire. En vérité, tous ces nouveaux pseudonymes qui sont des prénoms, parfois même des sortes de sobriquets, impriment au discours les citant une familiarité étrange et imprévue qui fait toujours légèrement dévier son sens ou son ton.

Décidément, il va falloir que nous réfléchissions à cette affaire des pseudonymes. Elle n’est pas anodine. Elle ne concerne pas que les « identités » (ou plutôt, les identifications), ni seulement le rapport entre public et privé. Elle est, en un sens, littéraire également.

Victor Béguin commente aujourd’hui une très belle mais très délicate citation d’un texte connu sous le titre Le plus ancien programme systématique de l’idéalisme allemand et probablement écrit par Schelling. Prononçant l’exigence d’une nouvelle mythologie, le passage se termine sur une phrase à tonalité prophétique, « Alors régnera parmi nous l’unité éternelle ». Cette « unité éternelle », Victor Béguin la déplace avec rigueur et fermeté vers la transitionnalité, avant de relancer : « Voilà ce qui serait devant nous ».

Vraiment, je ne sais pas. Il faudra troubler encore le miroir, déplacer encore.

 

 

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