Hélène Merlin-Kajman
29 mars 2014
Etrange et continue
« Parfois un personnage de roman me fait penser à un ami : je lui donne alors ma copie dès que je finis ma lecture [...] ». Sarah Beytelmann, qui répond longuement à notre questionnaire sur la littérature, pointe ici ce que l’on pourrait appeler la performativité imaginaire de la littérature, si souvent évacuée de nos perspectives critiques : ici la littérature, véritable milieu et medium, s’offre même à un partage plus diffus que celui qui consiste à lire des livres ensemble : « On rencontre parfois des personnes durassiennes, des faulkneriennes, et des baudelairiennes (nombreuses). Je ne sais pas si je suis célinienne, mais il est possible que je l’aie été », conclut-elle un passage où elle dit combien l’a marquée la lecture de Voyage au bout de la nuit.
Voici, après la première et la deuxième, la troisième session de notre colloque « “Littérature” : où allons-nous ? », session consacrée à la question de la dislocation du corpus. Le mot s’est prêté à plusieurs reformulations pour dire les critères possibles de reconfiguration des corpus : « instabilité », « collocation », « rencontre », « profanation »... L’impropriété ne serait-elle pas, pour la littérature, la règle, comme le suggère Florence Dumora ?
Nous accueillons aussi deux nouvelles photos de Jean-Louis Young (à qui nous devons les coques du site !) : « Tréport ». Et un exergue de Gilbert Cabasso qui nous fraye le passage d’une citation de Saint-John-Perse à un fragment d’Eloges : « Il fait si calme et puis si tiède, / Il fait si continuel aussi / Qu’il est étrange d’être là, mêlé des mains à la continuité du jour ».
La littérature : non pas inquiétante étrangeté, mais étranges continuités, étranges rencontres ?