Réflexions n° 1 - I. Gros, « L'élève humilié »
Préambule
Ce croquis-reportage d'Ivan Gros a été réalisé en 2005 pour l'Observatoire de l'éducation, association dirigée par Hélène Merlin-Kajman et aujourd'hui dissoute (http://observatoireducation.free.fr). Alors professeur certifié en Seine-Saint-Denis, Ivan Gros y réagit à un dossier du Monde du 14.09.05 publié dans la rubrique "Education" et intitulé "L'humiliation des élèves, reflet des carences pédagogiques françaises": écho au livre de Pierre Merle, L'élève humilié. L'école : un espace de non droit ? (Paris, PUF, 2005), le dossier comprenait une enquête d'Angélique Cléret, un article de Martine Laronche et un entretien avec Philippe Meirieu et donnait à penser que si l'école vivait une situation explosive, c'était parce que trop de professeurs fondaient leur autorité sur des pratiques humiliantes. Conformément à une doxa de gauche, tous les problèmes de l'école étaient imputés à l'inhumanité d'une discipline normative imposée par les enseignants aux élèves au mépris de leur dignité et de leur autonomie. La description est en contradiction flagrante avec ce que vivent, au quotidien, les enseignants, pris en tenaille entre le mépris où ils sont tenus et les humiliations qu'ils subissent, et leur propre conviction selon laquelle l'école exerce une violence sur les élèves. C'est ce désarroi du corps enseignant, attaché à la justice et à l'égalité des chances mais confronté à l'irrespect des élèves et lâché par l'opinion, que l'enquête d'Ivan Gros dans un collège d'Aubervilliers en Seine-Saint-Denis nous montre au travers de petites vignettes qui valent comme symboles.
Publier ce croquis-reportage six ans plus tard procède d'une conviction et d'un espoir. La situation décrite ici reste très largement déniée par ceux qui refusent une réponse sécuritaire au problème dit des "incivilités": il est difficile d'accepter un démenti si cruel à l'espoir progressiste suscité par la critique de l'autorité, et légitime de refuser de mêler sa voix aux déplorations nostalgiques et sans nuances. Ce n'est pourtant pas en nous dissimulant l'ampleur du problème que nous saurons inventer des solutions pleinement démocratiques.
Nous espérons que ce croquis-reportage provoquera des débats, des échos, des informations sur des pratiques alternatives...
L'élève humilié ?