Juste une fable n° 5
Trope n° 3
Les yeux des loups
20/01/2012
Le monde est trop confus pour un adage
Mais demain je trouverai l’enfant à qui lire la page
Des loups aux sombres yeux et capables
De paralyser la langue
De ceux qu’ils voient les premiers.
Nous irons droit au zoo vérifier
Auprès des cages où tournent, pleins de morosité,
De très grands loups efflanqués,
- Ah, et faméliques bien sûr aussi ! -
S’il est vrai que leur regard ôte la voix comme dit l’adage.
- Mais comment saurai-je, dira l’enfant,
Qui, de lui ou de moi, aura vu l’autre le premier ?
Je ne le sais pas plus que lui, mais qu’importe à l’histoire,
Les loups sont là pour penser.
Ce n’est pas une cage en vérité, mais un haut grillage.
Les loups vaguement tournent sans nous regarder.
Leurs yeux reflètent une obsession perdue qui les hante,
L’enfant les excite à nous voir, et je tâche de le calmer.
Imagine-les, lui dirai-je, imagine-les courant dans la neige,
En meute hurlante, au son du fusil, avec des cavaliers,
Et dis-moi, dis-moi lors, si tu n’aurais pas grand peur
Qu’un loup s’arrête et te regarde sans ciller ?
L’enfant réfléchira longtemps.
J’aurais peur, dira-t-il.
J’aurais très peur.
Mais très peur qu’il me mange,
Sans aucun rapport avec l’adage !
- Vraiment aucun, conviendrai-je.
Tout ceci est là pour rêver.
- Et le zoo ? demandera-t-il.
Le zoo est-il là pour rêver ?
Et les loups, rêvent-ils aussi ?
Je resterai sans voix
- Vous auriez répondu quoi ?
Helio Milner : né en 1955, vit loin de Paris, profession changeante. A publié des textes dans diverses revues.