Juste un poème n° 4

 

 



 

Instants

 

 


Sebastian Amigorena

17/11/2012

                                  
                                                 

 

 

 

 

 

 

Les gouttes de pluie qui tombent sur les flaques d'eau n'éclaboussent pas. Elles se transforment en protubérances éphémères qui révèlent sans faille averses et crachins. Asymétriques, asynchrones, d'intensité variable et de distribution aléatoire, ces minuscules buttes liquides allument les flaques d'eau de feux biscornus. Je les ai vus pour la première fois, fasciné, dans la cour de mon école maternelle, un jour de pluie lointain. Depuis, ils ne me quittent pas.

  

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Nous nous éloignons lentement, abandonnant derrière nous un sillon blanc, qui avec la distance et le temps, s'estompe. Au loin la mer redevient elle-même, retrouve sa nature bête et apaisante. Entretemps, une trainée de remous chaotiques, tout d'abord bouillonnants de colère, s'apaise rapidement et accepte sa nature de bave éphémère. Gargouillis insignifiants, poussés par le bas, ils se créent de l'intérieur, nous rappelant l'abîme de bleu définitif qui dort sous leurs pieds. Puis, des vaguelettes surgissent sur les côtés, s'écartent et disparaissent aussitôt, incompréhensibles d'organisation éphémère. Alignées et synchrones, concernées par leur sort commun, elles nous suivent tout en s'éloignant, comme des souvenirs endoloris.

  

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L'avant de notre bateau fend la mer, rejetant sur les cotés des effluves d'eau, qui lèchent brièvement les côtés de la coque et retombent en avant. L'écume que nous repoussons avance sur l'eau, comme des doigts qui pianotent sur un clavier silencieux. Flots déchirés, des éclats d'écume sont projetés en l'air. Notre vitesse, les mouvements verticaux que nous imposent les vagues, le contour de la coque, donnent aux gouttelettes volantes des formes et des trajectoires toujours renouvelées. Suspendues en l'air un instant par notre regard, elles prennent des poses figées, circulaires ou ornées de courts bras maladroits. Puis elles retombent et sont transformées soudain en reflets brillants, fuyants, qui disparaissent à jamais sur la surface mobile de la mer du temps. 

 

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Abandonnées dans un coin de chemin poussiéreux, à flanc de colline, au-dessus de la mer, quelques cailloux sont occupés à ne rien faire. Leur masse les attache inéluctablement à la terre. Bousculés par notre pied maladroit, ils décollent, roulent, sautillent, s'enivrent de légèreté. Pleins d'espérance, ils sentent sous leurs vieux ventres ridés un chemin différent. Ils contemplent un paysage nouveau, stimulant. Ils rêvent de voler, se grisent d'espoir. Et puis ils oublient, s'habituent à leur nouvelle demeure, ne protestent pas, sont patients, résignés, et finalement pas très intéressants.

  

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Lorsqu'on lance une pierre, la force cinétique que lui transmet notre bras, sa masse, sa forme et la résistance que lui oppose le vent, déterminent pour parts inégales sa trajectoire. Celle-ci trace dans le ciel un trait éphémère, solitaire. Si le jet vise une cible, le point d'arrivée prend une importance qu'autrement il n'a pas. Si le trait est harmonieux et la cible atteinte, se produit en nous un sentiment de plénitude que l'exploit réalisé justifie difficilement. Si le galet est épaté, si son trajet est parallèle à une surface liquide et plate, si notre main lui a imprimé un mouvement de rotation suffisant et si sa vitesse dépasse un seuil critique, lorsque la gravité infléchit enfin sa trajectoire, provoquant un contact transitoire avec la surface du liquide, la pierre, défiant toutes les lois de la physique et de la magie, rebondit, encore, encore et encore. Battements réguliers, temps suspendu, les ricochets interrogent l'eau.

 

 

 

 

 

 

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