Hélène Merlin-Kajman

14 janvier 2012

 

Grâce à Natacha Israël, Shakespeare répond cette semaine au questionnaire. Il parle français et il a vu les films tournés sur son oeuvre. Croyez-moi, l'exercice est sérieux - et cela, il le dit en anglais : I am not what I am. Encore une transition ?  A coup sûr : regardez le nouvel exergue de Brice Tabeling - Furetière, cette fois : « Figure de rhétorique. Elle se fait lorsque l'orateur parlant de quelqu'un se met subitement à sa place et en joue le personnage ».

Le pastiche et l'exergue ont ceci en commun qu'ils nous exposent à une écriture - à sa joie, à sa mélancolie - tout en nous conduisant à réfléchir à l'anachronisme et à la transmission. Réfléchir, et de façon sensible - par expérience, et dans le partage - ce qui rejoint la question de la lecture au premier degré posée par Jérôme David lors d'un séminaire de Transitions dont nous donnons ici le compte-rendu.

Par un charme, Perec, Corneille, Shakespeare, bientôt Racine ou Henri de Campion, dialoguent avec tous les autres : aujourd'hui, merci à Michel Magnien et à l'Anonyme de les avoir accompagnés.

 

 

 

Hélène Merlin-Kajman

07 janvier 2012

 

L'exergue de cette semaine, nous le devons à Christopher Prendergast, qui a dirigé la dernière traduction anglaise de La Recherche du temps perdu.

La citation de Proust qu'il a choisie de commenter associe, avec une exceptionnelle densité, le motif de la transition et la question de la beauté, tandis que la réflexion de Christopher Prendergast pose la question du contresens, à laquelle est consacré notre nouveau dossier de la rubrique « Intensités » (c'est moi, cette fois-ci, qui l'inaugure) - bref, un exergue au coeur de nos préoccupations !

Et n'oubliez pas de lire les réponses de la semaine au questionnaire : Léo et Anna Korett.

Enfin, je vous recommande d'aller regarder la charmante vache ailée qui, créée par Pierre-François Berger, s'est invitée sur notre page d'animation  : elle vole entre les Bergers de Nicolas Poussin, figés d'admiration...

Dernier point : le séminaire de Transitions recevra mercredi prochain, 11 janvier, à 18h30, Jean-François Louette, professeur à l'Université Sorbonne-Paris IV, autour de notre dossier consacré à la beauté : Sorbonne, esc. C, 2e étage, couloir de gauche et 2e porte gauche - comme d'habitude.

 

 

 

Hélène Merlin-Kajman

24 décembre 2011

 

Etincellements

Dans cette campagne discrètement enneigée, non loin de la Suisse où le projet de construction d'un minaret a déclenché débats et vilaines passions, on rencontre souvent des crèches de Noël placées sur des terrains municipaux, lavoirs par exemple en grand nombre dans les villages.

Méditant avec colère sur la trop fréquente mauvaise foi des défenseurs de la laïcité, je m'interroge : faudra-t-il sacrifier, dans cette lettre du 24 décembre, au rite du « joyeux Noël » ?

J'ai parcouru à nouveau ma campagne. De nombreuses maisons arborent des guirlandes illuminées. Certaines rivalisent d'inventivité. Ce ne sont pas les crèches que l'on trouve dans les jardins : ce sont des sapins et des pères Noël. Les habitants cherchent à animer l'espace, à le rendre étourdissant de lumières. Une année, dans une courette, un hélicoptère scintillait dans la nuit, abritant un père Noël hilare qui arrivait ou s'apprêtait à repartir. Je faisais des détours le soir pour repasser devant lui.

Illuminer. Scintiller. Etinceler. Les premières rédactions. Ces mots étaient puissants.

Mes parents n'étaient pas croyants. Le matin de Noël, nous nous réveillions tôt, très tôt. Une excitation d'enfants était montée au fil des jours. Ma mère se levait en protestant. La nuit était totale, le sommeil, encore épais autour de nous, dans nos paupières. La masse du sapin se distinguait mal, mais il y avait, qui n'étaient pas là hier, des formes de cadeaux à son pied. Nous étions comme des ombres consumées par le désir. Ma mère cédait. Et, lentement car parfois la flamme s'éteignait, elle grattait des allumettes et allumait une à une les bougies accrochées aux branches du sapin.

Y avait-il du transitionnel là-dedans? Pas sûr. Nous étions pétrifiés d'émotion. Rien n'était plus beau que ces petites flammes qui n'allaient durer qu'un moment. Ma mère les surveillait avec inquiétude. Elles levaient des ombres dans le noir. On entrapercevait les cadeaux.

Nous croyions au père Noël évidemment. Mensonge transmis d'âge en âge - depuis quand, s'il s'enracine dans bien d'autres? -, morceau de croyance magique incrusté dans l'enfance, auquel les adultes sont fidèles. Dans ce mythe éphémère, leur savoir creuse une légère moquerie, une distance. Un humour protecteur, dont nous ne connaissions pas encore la raison, surveillait le récit, le théâtre, embellissait la légende.

C'est le solstice - à quelques jours près. On sait que l'Eglise a greffé ses rites sur les rites païens. Le capitalisme, le fétichisme de la marchandise, la société d'hyper-consommation, l'expansion néo-colonialiste de la culture occidentale - des pères Noël en plastique vendus sous le soleil du continent africain - sont aussi passés par là. Difficile de l'ignorer quand on se jette dans les magasins à la recherche des cadeaux. Il prend l'envie de se révolter, d'abandonner. Une nostalgie de l'orange au pied de l'arbre surgit, louche et facile à ceux qui ne l'ont pas connue.

Joyeux Noël à tous ceux qui le fêtent, à tous ceux qui ne le fêtent pas, joyeux Noël avec un exergue joyeux et magique, un nouveau texte pour la rubrique « Juste... » de Joe Zerbib, et deux nouveaux questionnaires, celui de Pippa's et d'Erik Leborgne !

 

 

Hélène Merlin-Kajman

31 décembre 2011

 

Happy New Year !

Après Noël, la nouvelle année. Plus universelle, n'est-ce pas ? Nous vous la souhaitons belle, sobrement. Mille voeux pour les vies privées ! Pour le reste, mille voeux aussi bien sûr. Parfois, ils pourraient sans doute nous diviser, vous et nous. Nous essayons d'en parler... indirectement.

L'année, nous nous la souhaitons active, ici, à Transitions. Nous sommes heureux d'avoir pris l'initiative de ce mouvement. Il a été salué ici ou là : merci au Magazine littéraire et à Esprit, merci à tous ceux qui nous envoient des signes. L'équipe comprend maintenant de nombreux compagnons - notamment tout le département de français de l'Université de Cambridge, pour qui nous avons une pensée particulièrement chaleureuse. L'anglais du titre, c'est pour eux, pour nos amis américains aussi - un peu d'humour pour imprimer à nos deux langues, l'une qui est, l'autre qui fut « majoritaire », un petit coup de pouce « minoritaire »... C'est bien le moins, ici...

Nous travaillons à l'amélioration du site : vous avez pu voir apparaître un « plan du site » dans le menu haut ; la « présentation » est plus claire et détaillée ; bientôt un nouvel onglet permettra de trouver facilement la liste des auteurs que nous publions.  N'hésitez pas à nous envoyer vos remarques, suggestions, propositions par le canal de l'onglet « contact ».

Mais assez pour cette fois ! Vous trouverez dans cette livraison hebdomadaire le questionnaire de Maud, un exergue sur le contresens  - Rousseau commenté par Florence Magnot - et un texte de Jean-Paul Sermain pour le thème « La Beauté » d'Intensités.

 

 

 

 

 

 

 

 

16 décembre 2011



Hélène Merlin-Kajman

 

 

L'exergue de cette semaine revient à Barthes (et à Brice Tabeling), Barthes pour qui l'espace, l'objet transitionnels constituèrent manifestement une métaphore importante de la destination de l'écriture comme de l'enseignement, et même parfois un modèle.

Serait-ce une manière d'évoquer la question de la beauté - un geste de donation - tout en esquivant la menace autoritaire que son Idée comporte ? Interprétée à la lumière du transitionnel, la beauté ne peut avoir un « sein de pierre » (Baudelaire). Les cinq textes déjà publiés, commençant à répondre à quelques-unes des questions que nous proposons à la réflexion, nous font entrevoir qu'elle s'explicite difficilement : se dédoublant ou se troublant au voisinage d'autres catégories, elle s'échappe dès qu'on lui demande d'où elle vient, ce qu'elle fait, dès qu'on veut l'indiquer, la cerner. Nulle assomption sublime, jusqu'ici. Nul refus non plus, nulle négation - ils viendront sans doute. Non, jusqu'ici, ce que nous voyons, c'est que, donnée dans le texte avec une force d'évidence (très reconnaissable et sans dispute ?), la beauté vient pourtant à notre rencontre sans nulle assurance dicible (sans critères), dans un partage potentiel très analogue en somme aux objets apparaissant sur l'aire de jeu de Winnicott.

L'exergue de la semaine dernière suggérait, de là, une contiguïté possible entre la beauté et la question du contresens qui sera le prochain thème traité dans la rubrique « Intensités » (cf. argument). Tant que le texte littéraire se présente comme un objet transitionnel - et à nos yeux, il faut toujours lui laisser sa chance dans ce régime-là de la communication, quand bien même il n'y demeurerait pas entièrement -, n'est-il pas, de fait, nécessairement soustrait à la catégorie du contresens?

Il faut qu'il y ait du flou pour qu'on s'accorde sur le plaisir. Et semaine après semaine, les réponses au questionnaire (Pooti et Alice Popieul)  le confirment à leur manière : la littérature ne sort pas mieux définie ; mais décrite (comme on dit d'un geste qu'il décrit une figure).

 

 

 

 

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