Hélène Merlin-Kajman

13 octobre 2012

 

De transitions en transitions

 

Le texte de Sébastien Balibar, physicien spécialiste des transitions (certaines nous sont familières, comme la transition de l'eau à la glace), ne se contente pas de nous parler de physique de façon lumineuse : malgré ses réticences, il jette aussi un pont vers nous en commentant métaphoriquement les métaphores de notre manifeste. En les interrogeant aussi. Bref, en ouvrant un espace de dialogue pour notre rencontre qui aura lieu le 22 octobre prochain, sans exclure que ce dialogue soit impossible : car y a-t-il une transition possible « entre sciences humaines et sciences dites "dures" ou "exactes" », sinon « brutale » ? se (et nous) demande-t-il. Qu'il en soit vivement remercié.

L'exergue de Sarah Nancy évoque une toute autre sorte de transition, celle que Rousseau dénie à l'art de Lully, celle du langage à la musique et du coeur à la mélodie.

Et cette semaine, la réponse de Laura Vazquez au questionnaire commence par un jeu de mot et un rire d'enfant.

 

 

Hélène Merlin-Kajman

06 octobre 2012

 

« Littérature » : où allons-nous ?

 

Le colloque « "Littérature" : où allons-nous ? » organisé par Transitions s'est terminé vendredi 5 octobre sur la question « Transmettre... mais quoi ? ». A la vérité, la question constituait l'horizon de la réflexion commune et a été abordée tout au long des débats. Les réponses variées qui ont été proposées ne sont pas forcément consensuelles ni forcément compatibles entre elles : mais leur prix réside d'abord dans le fait que des enseignants-chercheurs se soient penchés ensemble sur elles, et aient ainsi amorcé le partage de préoccupations qui restent en général très à l'arrière-plan de nos activités de recherche alors même qu'elles occupent bien souvent nos conversations, nous préoccupent et parfois nous hantent dans le quotidien de nos pratiques d'enseignement.

Transmettre la connaissance d'un objet à géométrie variable selon les époques, un art de lire, un art d'écrire, une expérience esthétique à valeur thérapeutique, une attitude éthico-passionnelle et cognitive spécifique devant les textes et le monde, un passé et un monde disparus pour ce qu'ils présentent d'encore vivant et d'encore habitable, des expériences ou même des troubles de l'expérience qu'aucune autre discipline n'est destinée à prendre en charge, du bonheur et du malheur partageables grâce aux textes... Voici, non sans qu'une telle liste en trahisse le caractère exploratoire, certaines des réponses récurrentes qui ont été proposées à la question. Et le projet de poursuivre la réflexion sous un mode ou sous un autre s'est imposé à nous. A suivre, donc.

Il est beau que ce bref résumé des directions de notre colloque vienne avec un exergue de Brice Tabeling consacré pour la seconde fois à une citation de Daney ; et que dans le questionnaire de Caroline Laws, on trouve, en réponse à cette question « Un livre, un poème, une phrase ont-ils influencé votre vie ? », cette belle phrase : « C'était au moment des grandes découvertes précieuses ».

 

 

 

Hélène Merlin-Kajman

22 septembre 2012

 

Provocations

 

A la fin nous sommes las des effets chocs et des provocations. Las de la fascination pour les explosifs et les mitraillettes. Las que l’on confonde liberté d’expression et affolement de la signification, intensité et décharges d’adrénaline.

Nous n’attendons plus rien de ces styles anciens.

L’exergue de Gilbert Cabasso écrit sur une citation de Camille de Toledo fournit un synonyme heureux à l’idée transitionnelle : « l’école de l’entre ».

Nulle tiédeur là, nul marais. Il s’agit de respiration. Le questionnaire sur la littérature est là pour ça : merci, cette semaine, à Clarethemadmary d’y avoir répondu. Et merci à Louis Villers de nous avoir confié « juste » deux photos.

Nous avons lancé le thème de la beauté pour cette même raison. Sans ignorer de quoi elle a pu être le masque, nous espérons en relancer le goût, en reparcourir les questions. Merci à Anne E. Berger de nous rappeler avec force que la beauté littéraire n’a pas toujours été une manière de se retirer du monde, pas même au XIXe siècle ; mais, conformément à la phrase vibrante d’Aimé Césaire selon laquelle « La justice écoute aux portes de la beauté », qu’elle peut au contraire se mettre au service d’une demande de partage et d’une remontrance juste (ici, celle du député de la Martinique, Serge Letchimy, dénonçant, le 7 février 2012, les propos de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy, sur la hiérarchie des « civilisations ») , devenant alors une « “multiplicatrice” de l’intensité politique ».

De la beauté, nous pouvons nous emparer, non pour la contempler ensemble, non pour espérer qu’elle nous soude, mais pour que, éclairant un espace propice, elle nous fasse nous reconnaître, visage après visage, et entre-connaître.

 

 

 

Hélène Merlin-Kajman

29 septembre 2012

 

Vrai... ou trop vrai ?

 

Nous inaugurons aujourd’hui le thème « Trop vrai » d’« Intensités » avec la réédition d’un article, « Le phénomène Guibert : une perversion de la modernité ? », écrit il y a presque vingt ans. Je souhaite que d’autres que moi évaluent le trajet parcouru depuis ces dix-neuf ans, sans éluder son (provisoire) dernier rebondissement : Richard Millet plaçant la littérature dans le sillage métaphorique d’un massacre de jeunes gens sur une île norvégienne au nom de la pureté, et Annie Ernaux, auteure d’auto-fictions, contre-attaquant en défendant l’honneur de la littérature... Quel corps (de femme ?), quel droit à le violer ou au contraire à le rendre inviolable, se dispute-t-on ? Quelle réalité, quelle vérité, garderait la littérature ?

Ces questions pourraient bien figurer parmi celles que nous nous poserons mercredi, jeudi et vendredi prochain (3-5 octobre) lors du colloque international organisé par Transitions : « "Littérature" : où allons-nous ? ».

Avec une vertigineuse gravité et une vertigineuse profondeur, Paul-Emile, vingt-et-un ans, place la littérature très haut dans la réponse à son questionnaire : « nécessaire encore cette littérature qui nous gouverne ». La question de la hauteur (de la haute culture, de sa nécessité) pourrait fournir aussi un thème prochain de réflexion. Comment intervient-elle dans l’espace transitionnel qui, selon Winnicott, n’est ni « haut », ni nécessaire, tant il y a du transitoire et de l’aléatoire en lui, et l’horizontalité de l’enfance partagée ?

Paul Laborde commente une citation d’Edmond Jabès. Et l’on dirait qu’il définit ce que fait Mary Shaw avec ses « Dreamscapes » que nous publions régulièrement ici : « Ni le jour, ni la nuit : construire dans le langage un silence et dans le silence un langage. »

Tout cela, en somme, aux antipodes du trop de « Trop vrai ».

 

 

 

 

Hélène Merlin-Kajman

 

15 septembre 2012

 

Morales

 

Nous voici de retour – avec enthousiasme. Osant un manifeste, nous ouvrions ce site il y a un an tout juste. Aujourd’hui, nous reprenons ce voyage placé sous le signe visuel des coques de Jean-Louis Young, et des bergers d’Arcadie et de leur sérénité perplexe, espérant qu’il rassemble de plus en plus de passagers tantôt flâneurs impénitents, tantôt rêveurs éveillés ou penseurs bienveillants. Cela, avec vous tous, de 7 à 107 ans, invités à voguer sur ce site, à nous contacter, écrire pour Transitions, nous rejoindre, nous faire connaître...

Comme cadeau de rentrée, écrit par Francis Goyet pour le thème « Le Contresens » de la rubrique « Intensités », le commentaire alerte, joyeux, polyphonique, d’un tableau de Cranach où il est question de contresens, de beauté, de détour, de vacances, de fleuves, d’amour des mots et d’amour tout court, de recherche et d’enseignement : en résumé, de plaisir et de savoir. De transitions aussi, de trêves et de ponts...

Vous trouverez en outre, comme toutes les semaines, un exergue (cette semaine, il contient une invite à lire La Première Défaite, le très beau livre de Santiago Amigorena, « compagnon » de Transitions que nous avions rencontré en juin 2011) et une réponse à notre questionnaire sur la littérature que vous pouvez remplir en ligne. Dionys del Planey, son très jeune auteur dont nous avons déjà publié une « image », s’y explique avec fougue de sa passion littéraire ; il l’a complété d’une courte nouvelle parodique, « Un succès mineur », publiée dans la rubrique « Juste ». Elle accompagne solidairement notre mouvement en congédiant avec un humour férocement subtil les facilités d’une littérature qui met la transgression à toutes les sauces.

Il est beaucoup question de morale, ces temps derniers : morale littéraire, morale laïque. Les débats sont crispés. Les actes organisent des sauvetages, programment des saluts. En donnant le nom de « Transitions » à notre mouvement, nous avons voulu faire un pas de côté plein d’espoir, et parier sur un nouveau partage du sensible, une nouvelle esthétique et une nouvelle civilité en leur donnant un lieu. Tel est notre horizon, sans chercher pour autant à faire de ce lieu une Arcadie soustraite aux conflits, aux doutes, aux angoisses qui nous assaillent de toute part. Bonne rentrée à tous !

 

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