Hélène Merlin-Kajman

o7 juillet 2012

 

Au seuil de l'été

 

La semaine dernière, Mathias Ecoeur vous l’annonçait : nous partons en vacances, laissant derrière nous les coques de Transitions garder le port, libérant de leur station les bergers d’Arcadie qui, pendant deux mois, pourront s’évanouir dans la nature.

A notre retour le 15 septembre, nous ne les interrogerons pas sur leur séjour estival. Mais un texte de Francis Goyet évoquera pour nous, sans l’avoir prévu, des lieux plausibles de leur passage et peut-être aussi les moments les plus heureux de nos vacances.

Pour l’instant, la contribution d’Anne-Lise Worms suspend l’année en revenant aux Grecs, ces Grecs sur lesquels Marcel Hénaff avait ouvert notre réflexion sur la beauté, relancée et approfondie au fil de textes avec lesquels elle dialogue. « Revenir aux Grecs ? Pas si simple », signale-t-elle.

Ce « pas si simple » allègre et pensif pourrait fournir la devise de ce que nous avons essayé de faire depuis septembre sur le site. Anne-Lise Worms suggère que nous n’avons ni à quitter les Grecs ni à revenir à eux, s’il est vrai qu’il n’y a ni « la » Grèce ni « la » beauté, mais sans cesse, dès les premiers (?) temps, du mouvement, de l’inquiétude et de l’apaisement, à même paniques et terreurs.

S’orienter, comment ? Comment jeter un pont vers l’avenir, sinon en écoutant, dans l’histoire, le flux et le reflux des désorientations ?

A l’échelle anecdotique de cette année, de cet été, deux exergues cette semaine lancent un pont pour vos vacances : Lise Forment commente une citation de F. Scott Fitzgerald, et moi d’Italo Calvino. Relisez aussi celui de Dionys del Planey, écrit sur une phrase de Tiqqun la semaine dernière : plus d’une faute s’y était glissée.

Les vacances, il était donc grand temps ! Nous ouvrons toutes grandes les portes de l’été: regardez encore d'autres ports et d'autres mers de Jean-Louis Young, immobilisés dans le vertige propre de leur beauté. Et merci aux réponses au questionnaire d’Alma Mello, dans lesquelles je cueille cette phrase à la question « qu’aimeriez-vous que l’école fasse lire ? » :

« Tout, mais lire lire lire ! »

 

 

 

Mathias Ecoeur

3o juin 2012

 

Entre nous...

 

L'arrivée de juillet et un nouvel article sur la beauté annonceront, la semaine prochaine, la première pause estivale pour le site de Transitions. Mais, avant de nous laisser happer par la torpeur de l'été, c'est là l'occasion de revenir sur cette première année de présence sur la toile. Pour ce faire, quelques sauts temporels s'imposent...

Analepse : été 2011. Nous voilà quelques-uns réunis pour découvrir l’arrière-scène du site, sa part occulte, ses rouages flambants neufs, trop neufs peut-être, dépourvus à la fois de tout rodage et du sentiment de sécurité que procure la familiarité. Personnellement, alors que je flâne – pour ne pas dire que j’erre – dans les méandres de cette machinerie infernale poétiquement baptisée Joomla, je me sens parfaitement inefficace.

Une ellipse nous amène mi-septembre ; le temps des essais est révolu, il faut publier. Pour de vrai. Stress. Mais stress délicieux de voir se matérialiser sur la toile les coups de pinceau donnés sur Joomla. Au programme de cette première publication : dévoiler l’exergue d’Hélène Merlin-Kajman sur une citation de Winnicott ainsi que sa lettre de bienvenue, l’article de Marcel Hénaff qui inaugure la réflexion sur la beauté d'« Intensités », les Coques de J.-L. Young et le manifeste de Transitions aux regards, certes potentiels, des 38 millions d’internautes français, et des 2 milliards d’internautes à travers le monde. Soyons optimistes.

A présent, prolepse : arrivons au 7 juillet de cette année et à ce qui sera notre dernière publication avant la pause estivale. A cette date, le site proposera plus de 200 contenus. Pensons-y : 43 exergues, 21 articles dans « Intensités », 14 comptes rendus de nos rencontres, 63 questionnaires et 4 pastiches, 5 séries de photographies, 7 fables, 3 poèmes ou séries de poèmes, 6 traductions, republications ou inédits… et j’en passe ! Parmi eux, on trouvera l’exergue que nous offre cette semaine Dionys Del Planey, et le questionnaire de J.

Pour tout dire, et osant un ressenti personnel, ce qui me saisit le plus alors que j’écris ces lignes est la communauté du travail accompli non moins que le résultat quantitatif ou qualitatif des contenus qui ont élu domicile sur nos pages : c’est chacun des membres de notre équipe qui a permis cette réalisation au cours de ces dix derniers mois, des responsables de rubrique aux auteurs, en passant par les travailleurs de l’ombre, relecteurs d’articles, préparateurs de texte, correcteurs.

Mais la communauté que j’évoque et ressens est plus large encore, cependant, et prétend à s’élargir. « Voyez, nous vous invitons ! » : ainsi s’achève notre manifeste, et cet appel prend corps dans nos rencontres, ouvertes à tous, dans le geste que nous vous invitons à faire en répondant à notre questionnaire, en nous écrivant pour nous proposer vos textes ou nous faire partager vos réactions face aux textes publiés et à notre site.

 

 

 

Hélène Merlin-Kajman

16 juin 2012

 

Le passeur

 

Après le questionnaire de Daphné la semaine dernière, celui d’Artémis ! La Grèce, la Grèce, toujours recommencée, dont on voudrait invoquer le soleil en ces temps de ciel bas et lourd...

Comme Daphné, Artémis, qui a vingt ans, attire notre attention sur l’appauvrissement que peut constituer parfois le fait d’expliquer certains textes littéraires, « car ils sont en quelque sorte “trahis” dans leur visée » : « L’explication empirique dénude et annule les effets qu’un texte peut procurer », ajoute-t-elle.

C’est toujours le problème délicat du « passage ». Transitions veut aider à le poser lucidement. Et à propos de passage, de délicatesse et de lucidité, Brice Tabeling commente une citation célèbre de Serge Daney, à qui nous continuons de la sorte, cette semaine, à rendre hommage (voyez la lettre et l'inédit de la semaine dernière).

Myriam Dufour-Maître enfin, qui fait renaître pour nous la beauté des longueurs dans les textes classiques, pose une question cruciale : « Au passage, un de nos défis civilisationnels : de quelle beauté des paroles pouvons-nous, savons-nous encore, ou non, entourer la mort et l’effroi ? Qui se risquerait encore à la consolatio ? »

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Hélène Merlin-Kajman

23 juin 2012

 

Figurations

 

« Quant à moi, je pourrais bien renoncer... » écrit Natacha Israël à la fin de l’exergue où elle commente une citation de Hans Blumenberg. Elle résume par là un désespoir d’époque que notre manifeste évoque aussi : l’avenir est aujourd’hui infigurable. Mais l’écrivant, elle renonce à renoncer.

Car renoncer, c’est ce que nous ne voulons pas faire, à Transitions. A sa manière, « Corbeau et Renard », la nouvelle fable d’Helio Milner qui continue de s’adresser à un enfant imaginaire, s’inscrit dans cet espoir. L’avenir a besoin de littérature, « transformation de l’existence », écrit Florent, enseignant de lettres, dans sa réponse au questionnaire. Comme il l’écrit encore, elle fournit « des scénarios et des formules utiles pour la figuration de soi ».

Mais faut-il vraiment aller jusqu’à dire que « quelqu’un qui ne sait pas lire, c’est quelqu’un qui ne sait pas penser », comme le fait Shadok, professeur de français ?

Alors là, nous ne le croyons pas du tout, à Transitions.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Hélène Merlin-Kajman

09 juin 2012

 

Serge Daney

 

Le 12 juin 1992, Serge Daney, critique de cinéma et théoricien de l’image, mourait des suites du sida. Il était né en 1944. J’aime à imaginer que notre mouvement l’aurait intéressé : pour ce qui me concerne, Transitions lui doit indirectement quelque chose. En hommage, voici un texte inédit écrit juste après sa mort.

Cette semaine, Daphné, dont nous publions la réponse au questionnaire, livre un témoignage important qui concerne la question du contresens, abordé ici même dans la rubrique « Intensités » : à la question « Le fait d’expliquer un texte est-il, selon vous, [...] un appauvrissement ? », elle répond : « Non. Sauf si l’on pense qu’il y a une vérité du texte ; c’est réducteur et dangereux pour les lecteurs, après on angoisse de ne pas comprendre ».

Quelle est cette angoisse, et les enseignants peuvent-ils, doivent-ils la reconnaître ?

La question mériterait peut-être d’être creusée. Ne faudrait-il pas que la parole, même celle de l’enseignant, s’ancre toujours un peu dans la région de l’aleph évoquée par Gershom Scholem, citation commentée dans l’exergue de cette semaine par Dionys Del Planey ?

Il peut paraître abusif, voire dangereux, de sembler placer de la sorte l'enseignement sous le signe de la mystique. Mais il ne s'agit pas d'inciter par là les enseignants à cultiver le charisme. C'est même le contraire : eux qui, face aux élèves, détiennent le savoir, devraient cependant ne jamais oublier que le véritable savoir tire son autorité d'une capacité, chez le « savant », à s'en dessaisir - à être dessaisi.

Transmettre, ce serait d'abord pouvoir être saisi - en alerte de la merveille.

Ou, pour le dire avec Serge Daney, « ne pas toujours remplacer ce qui nous excède par ce qui nous arrange », savoir « vivre avec de l'antagonisme, de l'irrésolu, de l'inconciliable ». Et l'on rejoint alors l'enjeu de la lettre de Kateb Yacine à Albert Camus  concernant leur « discorde » au moment de la guerre d'Algérie, citée ici et commentée par Catherine Brun à l'occasion de l'exposition qu'elle et Olivier Penot-Lacassagne consacrent aux intellectuels face à la guerre d'Algérie.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

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