Inédit

Proust, La Prisonnière

Séance du 15 janvier 2016

 

 

La langue d'Albertine

 

Pierre Pachet


23/01/2016
 

La Prisonnière, le cœur du « roman d’Albertine », est, en un sens, le roman de la jalousie, soit d’un amour éprouvé comme « une torture réciproque »[1], au sein duquel la défiance cauteleuse de l’un « autorise » [2] et centuple[3] la tromperie et le mensonge de l’autre pour se dérober à l’investigation. Autrement dit, un tel amour, qui semble aussi bien ne pas être de l’amour[4], n’attache un être à un autre[5] que par le seul souci ou la seule préoccupation [6] de le soustraire au désir des autres[7] et aux occasions qui risquent d’éveiller son propre désir[8], tout particulièrement, en l’espèce, au désir gomorrhéen, d’autant plus atroce[9] qu’il est plus inconnu et presque inconcevable[10]. A ce compte, le plaisir que peut ménager un tel amour - comme tel voué à la dureté et à la fourberie [11] - est-il « moins un plaisir positif que celui d’avoir retiré du monde où chacun pouvait la goûter à son tour, la jeune fille en fleurs qui, si du moins elle ne me donnait pas de grande joie, en privait les autres » (p.77) et se réduit à calmer, à apaiser[12], « par l’être qui nous a fait souffrir », la douleur qu’il provoque[13]. Certes cet amour n’est pas dénué de « satisfactions charnelles » [14] qui ne sont pas sans douceur, mais cette douceur n’est rien d’autre que ce qui fait supporter la douleur et comme son aliment même[15].

Moyennant quoi, le « démon » (p.103) de la jalousie et sa « curiosité douloureuse, inlassable »[16] sacrifient à la « chimère »[17], à l’ « inquiet besoin de tyrannie appliqué aux choses de l’amour» (p.91), au « sentiment inquisitorial » (p.57), de « posséder toute entière »[18] la personne qui l’émeut et dont il requiert qu’elle lui livre son âme[19], d’ « expulser tout mystère » [20] de ce dont le mystère seul émeut[21], tant et si bien que la vie avec Albertine ne se partage, au gré des « intermittences du cœur » (p.29, 80), qu’entre l’ennui et la souffrance[22]. De la même façon, le jeu de la jalousie à la fois ferme et ouvre à la beauté du monde [23] ou encore sa souffrance tout en refermant sur soi[24] ne laisse pas de donner un tant soit peu accès à « la vie des autres »[25], « cet inconnaissable » [26].

Reste à déceler le charme - attrait et sortilège ou maléfice - qui soutient cette torture, mais qui sans doute ne peut être dit « en ce récit » [27], et qui n’est pas sans accointance avec la faute[28] ou avec le mal[29]. Aussi bien, d’emblée, le baiser d’Albertine ne peut manquer d’être rapproché de celui de la mère (p.10, 77, 87, 111…), au risque de commettre « presque un sacrilège apparent » (p.10) et, tel Charlus, de se complaire « à souiller les choses les plus sacrées » (II, p.1009), en mêlant « à (mon) impur amour pour Albertine la douceur d’une tendresse à la fois filiale et maternelle » (p.79), à moins que cette souillure ne s’avère être le ressort de l’intrigue[30]. Car ce baiser, en quelque sorte eucharistique[31], ne prend toute sa portée qu’autant que la langue d’Albertine[32] mute d’hostie sacramentelle en agent de volupté et donc de cruauté[33], non sans consommer la profanation (II, p.908) - la « préoccupation » [34] - de la mère, tout comme à Combray la satisfaction du jeune Marcel ne va pas sans se mêler « d’une main impie et secrète de tracer dans son âme une première ride et d’y faire apparaître un premier cheveu blanc » (I, p.39 ; cf. id., p.37) [35], quelque remords qu’il en eût (id., p.43).



[1] « J’appelle ici amour une torture réciproque » (III, p.109) ; « …la torture de la jalousie » (id., p.493).

[2] « Dès que la jalousie est découverte, elle est considérée comme une défiance qui autorise la tromperie » (III, p.61).

[3] « D’ailleurs, si la jalousie nous aide à découvrir un certain penchant à mentir chez la femme que nous aimons, elle centuple ce penchant quand la femme a découvert que nous sommes jaloux. Elle ment (dans des proportions où elle ne nous a jamais menti auparavant), soit qu’elle ait pitié, ou peur, ou se dérobe instinctivement par une fuite symétrique à nos investigations » (III, p.90).

[4] « Ce n’est pas certes, je le savais, que j’aimasse Albertine le moins du monde » (III, p.20) ; « Sans me sentir le moins du monde amoureux d’Albertine, sans faire figurer au nombre des plaisirs les moments que nous passions ensemble… » (id., p.21) ; « …je vous aimais vraiment, pas d’amour peut-être, mais de grande, de très grande amitié, plus que vous ne pouvez croire » (id., p.343). Cf. encore id., p.97 : « D’ailleurs Albertine m’effrayait en me disant que j’avais raison, pour ne pas lui faire de tort, de dire que je n’étais pas son amant, puisque aussi bien, ajoutait-elle, “c’est la vérité que vous ne l’êtes pas”. Je ne l’étais peut-être pas complètement en effet, mais alors, fallait-il penser que toutes les choses que nous faisions ensemble, elle les faisait aussi avec tous les hommes dont elle me jurait qu’elle n’avait pas été la maîtresse ? » ; « pas complètement », c’est sans doute que le sexe de la femme n’est pas tant, aux yeux du narrateur, un objet d’attrait ni d’horreur que la ligne close, « claustrale », d’un horizon sans ardeur : « Avant qu’Albertine m’eût obéi et eût enlevé ses souliers, j’entr’ouvrais sa chemise. […] et son ventre (dissimulant la place qui chez l’homme s’enlaidit comme du crampon resté fiché dans une statue descellée) se refermait à la jonction des cuisses, par deux valves d’une courbe aussi assoupie, aussi reposante, aussi claustrale que celle de l’horizon quand le soleil a disparu » (id., p.79).

[5] D’une manière aussi étroite que celle qui nous attache à notre corps : « Même quand je causais avec l’un ou l’autre chez les Verdurin, je la sentais confusément à côté de moi, j’avais d’elle cette notion vague qu’on a de ses propres membres, et s’il m’arrivait de penser à elle, c’était comme on pense, avec l’ennui d’y être lié par un entier esclavage, à son propre corps » (III, p.328).

[6] « Sans me sentir le moins du monde amoureux d’Albertine […] j’étais resté préoccupé de l’emploi de son temps » (III, p.21) ; « En ce moment, qu’elle ne retrouvât pas les deux jeunes filles et savoir si elle connaissait Léa ou non était ce qui me préoccupait le plus » (id., p.151) ; « Albertine ne m’avait jamais dit qu’elle me soupçonnait d’être jaloux d’elle, préoccupé de tout ce qu’elle faisait » (id., p.331).

[7] « D’Albertine, en revanche, je n’avais plus rien à apprendre. Chaque jour elle me semblait moins jolie. Seul le désir qu’elle excitait chez les autres, quand, l’apprenant, je recommençais à souffrir et voulais la leur disputer, la hissait à mes yeux sur un haut pavois. Elle était capable de me causer de la souffrance, nullement de la joie » (III, p.28) ; « Il arriverait, si nous savions mieux analyser nos amours, de voir que souvent les femmes ne nous plaisent qu’à cause du contrepoids d’hommes à qui nous avons à les disputer, bien que nous souffrions jusqu’à mourir d’avoir à les leur disputer ; ce contrepoids supprimé, le charme de la femme tombe ».

[8] La souffrance du jaloux se module selon qu’il perçoit Albertine subissant le regard appuyé des autres « avec une passivité peut-être clandestinement voluptueuse » ou marquant son intérêt pour « des fillettes qui passaient » en les harponnant de son regard (III, p.149-50) ; au reste le premier cas, qui irradie la volupté, est plus cruel que le second (cf. encore II, p.1016 où le narrateur est réduit au rôle du « tiers gênant » entre Albertine et un garçon).

[9] « Cette attention, d’ailleurs, qui m’eût semblé criminelle de la part d’Albertine (et tout autant si elle avait eu pour objet des jeunes gens), je l’attachais, sans me croire un instant coupable […] sur toutes les midinettes. On trouve innocent de désirer et atroce que l’autre désire » (III, p.170).

[10] « Non, jamais la jalousie que j’avais eue, un jour, de Saint-Loup, si elle avait persisté, ne m’eût donné cette immense inquiétude. Cet amour entre femmes était quelque chose de trop inconnu, dont rien ne permettait d’imaginer avec certitude, avec justesse, les plaisirs, la qualité » (III, p.385) ; « Mais ici le rival n’était pas semblable à moi, ses armes étaient différentes, je ne pouvais pas lutter sur le même terrain, donner à Albertine les même plaisirs, ni même les concevoir exactement » (II, p.1120).

[11] « Etre dur et fourbe envers ce qu’on aime est si naturel ! Si l’intérêt que nous témoignons aux autres ne nous empêche pas d’être doux avec eux et complaisants à ce qu’ils désirent, c’est que cet intérêt est mensonger. Autrui nous est indifférent et l’indifférence n’invite pas à la méchanceté » (III, p.111).

[12] « Et cependant aimer charnellement, c’était tout de même pour moi jouir d’un triomphe sur tant de concurrents. Je ne le redirai jamais assez, c’était un apaisement plus que tout » (III, p.77) ; « Mais enfin ce calme que me procurait mon amie était apaisement de la souffrance plutôt que joie » (id., p.12).

[13] « Et, au reste, comment a-t-on le courage de souhaiter vivre, comment peut-on faire un mouvement pour se préserver de la mort, dans un monde où l’amour n’est provoqué que par le mensonge et consiste seulement dans notre besoin de voir nos souffrance apaisées par l’être qui nous a fait souffrir ? » (III, p.94-95) ; « L’être aimé est successivement le mal et le remède qui suspend et aggrave le mal » (II, p.833).

[14] « Sans doute mon amour pour Albertine n’était pas le plus dénué de ceux jusqu’où, par manque de volonté, on peut déchoir, car il n’était pas entièrement platonique ; elle me donnait des satisfactions charnelles, et puis elle était intelligente. Mais tout cela était une superfétation ». Pour « un plaisir moins pur » qu’il goûte en s’embarquant sur le sommeil d’Albertine, cf. id., p.72-73.

[15] « C’est justement parce que cette douceur a été nécessaire pour enfanter la douleur – et reviendra du reste la calmer par intermittences – […]. Mais celle-ci [« une inquiétude douloureuse »] n’aurait pas pu naître sans la douceur préalable ; même ensuite la douceur intermittente est nécessaire pour rendre la souffrance supportable et éviter les ruptures, et la dissimulation de l’enfer secret qu’est la vie commune avec cette femme, jusqu’à l’ostentation d’une intimité qu’on prétend douce, exprime un point de vue vrai, un lien général de l’effet à la cause, un des modes selon lesquels la production de la douleur est rendue possible » (III, p.80-81).

[16] « Que la soi-disant curiosité esthétique mériterait plutôt le nom d’indifférence auprès de la curiosité douloureuse, inlassable, que j’avais des lieux où Albertine avait vécu, de ce qu’elle avait pu faire tel soir, des sourires, des regards qu’elle avait eus, des mots qu’elle avait dits, des baisers qu’elle avait reçus ! […] L’amour, c’est l’espace et le temps rendus sensibles au cœur » (p.385)

[17] « Ma joie d’avoir possédé un peu de l’intelligence d’Albertine et de son cœur ne venait pas de leur valeur intrinsèque, mais de ce que cette possession était un degré de plus dans la possession totale d’Albertine, possession qui avait été mon but et ma chimère depuis le premier jour où je l’avais vue » (III, p.496).

[18] Comme il peut en avoir l’impression devant Albertine endormie et pour peu qu’elle n’ait plus de regard (III, p.70-71).

[19] « …par ces regards seuls, elle avait fait l’aveu de ce qu’elle eût voulu cacher, bien plus que des faits particuliers, de ce qu’elle se fût fait tuer plutôt que de reconnaître : son penchant. Car aucun être ne veut livrer son âme » (III, p.150).

[20] « Si jadis je m’étais exalté en croyant voir du mystère dans les yeux d’Albertine, maintenant je n’étais heureux que dans les moments où de ces yeux, de ces joues mêmes, réfléchissantes comme des yeux, tantôt si douces mais vite bourrues, je parvenais à expulser tout mystère. […] (et c’est pour cela que cet amour ne pouvait être durable à moins de rester malheureux, car par définition il ne contentait pas le besoin de mystère), c’était une Albertine ne reflétant pas un monde lointain, mais ne désirant rien d’autre […] qu’être avec moi, toute pareille à moi, une Albertine image de ce qui précisément était mien et non de l’inconnu » (III, p.75)

[21] « …on n’aime que ce en quoi on poursuit quelque chose d’inaccessible, on n’aime que ce qu’on ne possède pas, et bien vite je me remettais à me rendre compte que je ne possédais pas Albertine » (III, p.384).

[22] « Je sentais que ma vie avec Albertine n’était, pour une part, quand je n’étais pas jaloux, qu’ennui, pour l’autre part, quand j’étais jaloux, que souffrance » (III, p.393).

[23] « Voilà ce dont la présence d’Albertine, voilà ce dont ma vie avec Albertine me privait justement. Dont elle me privait ? N’aurais-je pas dû penser dont elle me gratifiait au contraire ? Si Albertine n’avait pas vécu avec moi, avait été libre, j’eusse imaginé, et avec raison, toutes ces femmes comme des objets possibles, probables, de son désir, de son plaisir. […] Les midinettes, les jeunes filles, les comédiennes, comme je les aurais haïes ! Objets d’horreur, elles eussent été exceptées pour moi de la beauté de l’univers. Le servage d’Albertine [qui la tient « encagée » (III, p.68)], en me permettant de ne plus souffrir par elles, les restituait à la beauté du monde. Inoffensives, ayant perdu l’aiguillon qui met au cœur la jalousie, il m’était loisible de les admirer, de les caresser du regard, un autre jour plus intimement peut-être. En enfermant Albertine, j’avais du même coup rendu à l’univers toutes ces ailes chatoyantes qui bruissent dans les promenades, dans les bals, dans les théâtres, et qui redevenaient tentatrices pour moi, parce que, elle, ne pouvait succomber à leur tentation. Elles faisaient la beauté du monde. Elles avaient fait jadis celle d’Albertine. C’est parce que je l’avais vue comme un oiseau mystérieux, puis comme une grande actrice de la plage, désirée, obtenue peut-être, que je l’avais trouvée merveilleuse. Une fois captif chez moi l’oiseau que j’avais vu un soir marcher à pas comptés sur la digue, entouré de la congrégation des autres jeunes filles pareilles à des mouettes venues on ne sait d’où, Albertine avait perdu toutes ses couleurs, avec toutes les chances qu’avaient les autres de l’avoir à eux. Elle avait peu à peu perdu sa beauté. […] Mais, malgré ces brusques sursauts où, désirée par d’autres, elle me redevenait belle, je pouvais très bien diviser son séjour chez moi en deux périodes : la première où elle était encore, quoique moins chaque jour, la chatoyante actrice de la plage ; la seconde où, devenue la grise prisonnière, réduite à son terne elle-même, il lui fallait ces éclairs où je me ressouvenais du passé pour lui rendre des couleurs » (III, p.172-73).

[24] « Nous étions résignés à la souffrance, croyant aimer en dehors de nous, et nous nous apercevons que notre amour est fonction de notre tristesse, que notre amour c’est peut-être notre tristesse, et que l’objet n’en est que pour une faible part la jeune fille à la noire chevelure » (III, p.92-93) ; « …c’est moins à un être que nous sacrifions notre vie, qu’à tout ce qu’il a pu attacher autour de lui de nos heures, de nos jours, de ce à côté de quoi la vie non encore vécue, la vie relativement future, nous semble plus lointaine, plus détachée, moins intime, moins nôtre. Ce qu’il faudrait, c’est se dégager de ces liens qui ont tellement plus d’importance que lui, mais ils ont pour effet de créer en nous des devoirs momentanés à son égard, devoirs qui font que nous n’osons pas le quitter de peur d’être mal jugé de lui, alors que plus tard nous oserions, car, dégagé de nous, il ne serait plus nous, et que nous ne nous créons en réalité de devoirs (dussent-ils, par une contradiction apparente, aboutir au suicide) qu’envers nous-mêmes » (id., p.97-98 ; cf. id. p.328) ; « Et peut-être pourtant, entièrement fidèle, je n’eusse pas souffert d’infidélités que j’eusse été incapable de concevoir. Mais ce qui me torturait à imaginer chez Albertine, c’était mon propre désir perpétuel de plaire à de nouvelles femmes, d’ébaucher de nouveaux romans ; c’était de lui supposer ce regard que je n’avais pu, l’autre jour, même à côté d’elle, m’empêcher de jeter sur les jeunes cyclistes assises aux tables du bois de Boulogne. Comme il n’est de connaissance, on peut presque dire qu’il n’est de jalousie que de soi-même. L’observation compte peu. Ce n’est que du plaisir ressenti par soi-même qu’on peut tirer savoir et douleur » (id., p.385-86).

[25] « …quelles statues, quels tableaux longuement poursuivis, enfin possédés, ou même, à tout mettre au mieux, contemplés avec désintéressement, m’eussent - comme la petite blessure qui cicatrisait assez vite, mais que la maladresse inconsciente d’Albertine, des indifférents, ou de mes propres pensées, ne tardait pas à rouvrir – donné accès sur cette issue hors de soi-même, ce chemin de communication privé, mais qui donne sur la grande route où passe ce que nous ne connaissons que du jour où nous en avons souffert : la vie des autres ? » (III, p.387).

[26] « …je n’avais réussi, en explorant une parcelle de la grande zone qui s’étendait autour de moi, qu’à y reculer cet inconnaissable qu’est pour nous, quand nous cherchons effectivement à nous la représenter, la vie réelle d’une autre personne » (III, p.62).

[27] « Pour Albertine [i.e. : en ce qui concerne Albertine], la société durable avec elle avait quelque chose de pénible d’une autre façon que je ne peux dire en ce récit » (III, p.181).

[28] « Elle était de ces femmes à qui leurs fautes pourraient au besoin tenir lieu de charme […] ; D’ailleurs, plus même que leurs fautes pendant que nous les aimons, il y a leurs fautes avant que nous les connaissions, et la première de toutes : leur nature. Ce qui rend douloureuses de telles amours, c’est qu’il leur préexiste une espèce de péché originel de la femme, un péché qui nous les fait aimer, de sorte que, quand nous l’oublions, nous avons moins besoin d’elle et que pour recommencer à aimer, il faut recommencer à souffrir » (III, p.150-51).

[29] Cf.III, p.21, 22, 23, 356… et p.103 : « La jalousie est un démon qui ne peut être exorcisé, et reparaît toujours incarné sous une nouvelle forme. Puissions-nous arriver à les exterminer toutes, à garder perpétuellement celle que nous aimons, l’Esprit du Mal prendrait alors une autre forme, plus pathétique encore, le désespoir de n’avoir obtenu la fidélité que par force, le désespoir de n’être pas aimé ».

[30] « Des années plus nombreuses auraient pu séparer ces deux images sans amener un changement aussi complet ; il s’était produit, essentiel et soudain, quand j’avais appris que mon amie avait été presque élevée par l’amie de Mlle Vinteuil » (III, p.75).

[31] « …et que chaque soir, avant de me quitter, elle glissait dans ma bouche sa langue, comme un aliment nourrissant et ayant le caractère presque sacré de toute chair à qui les souffrances que nous avons endurées à cause d’elle ont fini par conférer une sorte de douceur morale » (III, p.10) ; « …quand elle [la mère] avait penché vers mon lit sa figure aimante, et me l’avait tendue comme une hostie pour une communion de paix où mes lèvres puiseraient sa présence réelle et le pouvoir de m’endormir » (I, p.13).

[32] « Je revoyais Albertine s’asseyant à son pianola, rose sous ses cheveux noirs [ces cheveux qui « attrapent davantage le désir » (III, p.19)] ; je sentais sur mes lèvres qu’elle essayait d’écarter, sa langue, sa langue maternelle, incomestible, nourricière et sainte, dont la flamme et la rosée secrètes faisaient que, même quand Albertine la faisait seulement glisser à la surface de mon cou, de mon ventre, ces caresses superficielles, mais en quelque sorte faites par l’intérieur de sa chair, extériorisé comme une étoffe qui montrerait sa doublure, prenaient, même dans les attouchements les plus externes, comme la mystérieuse douceur d’une pénétration » (III, p.497-98).

[33] « …son beau rire qui m’était si cruel parce qu’il était si voluptueux » (III, p.130).

[34] « …je dis à ma mère, sachant la peine que je lui faisais, qu’elle ne me montra pas et qui se trahit seulement chez elle par cet air de sérieuse préoccupation qu’elle avait quand elle comparait la gravité de me faire du chagrin ou de me faire du mal, cet air qu’elle avait eu à Combray pour la première fois quand elle s’était résignée à passer la nuit auprès de moi… » (II, p.1130-31) ; « Mais tous ceux qui l’ont vue à cette époque m’ont dit qu’à sa douleur d’avoir perdu sa mère, s’ajoutait un air de perpétuelle préoccupation » (III, p.13).

[35] Ou encore de faire « pleurer l’âme de ma mère, l’âme de mon ange gardien, l’âme de Dieu » (Les plaisirs et les jours, Paris, 1993, p.151).

 

 

 

Powered by : www.eponim.com - Graphisme : Thierry Mouraux   - Mentions légales                                                                                         Administration