« Littéraires de quoi sommes-nous les "spécialistes" ? »

Première demi-journée

 

Cette intervention de Jean-Louis Jeannelle s'inscrit dans la première des sessions à « Géometrie variable » du colloque « Littéraires, de quoi sommes-nous les "spécialistes" ? » (voir l'argument et la synthèse ici). Il était demandé aux participants de choisir un texte court, dont ils pouvaient se dire les spécialistes pour l’avoir étudié précisément, et d'en présenter leur analyse. Ces textes ont également été donnés à commenter à des non-spécialistes : chaque texte s'est donc trouvé commenté par un spécialiste (celui qui l’a choisi) et un non-spécialiste, l'exercice formant ainsi des binômes.

On peut trouver ici les commentaires de Corneille et de Malraux/Eisenstein par Emma Gilby.

Nous remercions les différents intervenants du colloque de nous avoir permis de diffuser leur intervention ou d'avoir accepté de nous en donner une version écrite. Il leur a été proposé, dans ce dernier cas, de conserver dans leur texte écrit les caractéristiques orales de leur communication et les textes publiés ici sont donc, dans une mesure variable, à rapprocher d'une transcription de leur intervention orale.

Ancien élève de l’ENS, Jean-Louis Jeannelle est professeur de littérature française des XIXe et XXe siècles à l'Université de Rouen. Il est l’auteur d’une étude consacrée au Miroir des limbes : Malraux, mémoire et métamorphose (Gallimard, 2006), d’un essai sur le genre des « Vies majuscules » : Écrire ses Mémoires au XXe siècle : déclin et renouveau (Gallimard, 2008), de Résistance du roman : genèse de « Non » d’André Malraux (CNRS Éditions, 2013), de Cinémalraux : essai sur l'œuvre d'André Malraux au cinéma (Hermann, 2015) et de Film sans images : une histoire des scénarios non réalisés de « La Condition humaine » (Seuil, 2015). Il a publié plusieurs collectifs (Genèse et autofiction, avec C. Viollet, Academia Bruylant, 2007 ; « Fictions d’histoire littéraire », La Licorne, n° 86, 2009 ; « De Gaulle, la France et la littérature, Les Temps modernes, n° 661, nov.-déc. 2010 ; Modernité du « Miroir des limbes » : un autre Malraux, avec H. Godard, Classiques Garnier, 2011 ; « Cahier de l’Herne » Simone de Beauvoir (en collab. avec Éliane Lecarme-Tabone, 2012), et dirige la revue en ligne Fabula-LHT (http://www.fabula.org/lht).

 

 

Géométrie variable

 

Jean-Louis Jeannelle

19/03/2016

 

Dans ces actions tragiques qui se passent entre proches, il faut considérer si celui qui veut faire périr l’autre le connaît ou ne le connaît pas, et s’il achève, ou n’achève pas. La diverse combination de ces deux manières d’agir forme quatre sortes de tragédies, à qui notre philosophe [Aristote] attribue divers degrés de perfection. On connaît celui qu’on veut perdre, et on le fait périr en effet [...]. On le fait périr sans le connaître, et on le reconnaît avec déplaisir après l’avoir perdu [...]. La troisième est dans le haut degré d’excellence, quand on est prêt de faire périr un de ses proches sans le connaître, et qu’on le reconnaît assez tôt pour le sauver [...]. Il condamne entièrement la quatrième espèce de ceux qui connaissent, entreprennent et n’achèvent pas, qu’il dit avoir quelque chose de méchant, et rien de tragique [...]. Mais si cette condamnation n’était modifiée, elle s’étendrait un peu loin, et envelopperait non seulement le Cid, mais Cinna, Rodogune, Héraclius et Nicomède.

Disons donc qu’elle ne doit s’entendre que de ceux qui connaissent la personne qu’ils veulent perdre, et s’en dédisent par un simple changement de volonté, sans aucun événement notable qui les y oblige, et sans aucun manque de pouvoir de leur part. J’ai déjà marqué cette sorte de dénouement pour vicieux ; mais quand ils y font de leur côté tout ce qu’ils peuvent, et qu’ils sont empêchés d’en venir à l’effet par quelque puissance supérieure, ou par quelque changement de fortune qui les fait périr eux-mêmes, ou les réduit sous le pouvoir de ceux qu’ils voulaient perdre, il est hors de doute que cela fait une tragédie d’un genre peut-être plus sublime que les trois qu’Aristote avoue [...].

L’action de Chimène n’est donc pas défectueuse pour ne perdre pas Rodrigue après l’avoir entrepris, puisqu’elle y fait son possible, et que tout ce qu’elle peut obtenir de la justice de son roi, c’est un combat où la victoire de ce déplorable amant lui impose silence. Cinna et son Emilie ne pèchent point contre la règle en ne perdant point Auguste, puisque la conspiration découverte les en met dans l’impuissance, et qu’il faudrait qu’ils n’eussent aucune teinture d’humanité, si une clémence si peu attendue ne dissipait toute leur haine [...].

Je pense être bien fondé sur l’expérience à douter si celle qu’il estime la moindre des trois n’est point la plus belle, et si celle qu’il tient la plus belle n’est point la moindre. La raison est que celle-ci ne peut exciter de pitié. Un père y veut perdre son fils sans le connaître, et ne le regarde que comme indifférent, et peut-être comme ennemi. Soit qu’il passe pour l’un ou pour l’autre, son péril n’est digne d’aucune commisération, selon Aristote même, et ne fait naître en l’auditeur qu’un certain mouvement de trépidation intérieure, qui le porte à craindre que ce fils ne périsse avant que l’erreur soit découverte, et à souhaiter qu’elle se découvre assez tôt pour l’empêcher de périr : ce qui part de l’intérêt qu’on ne manque jamais à prendre dans la fortune d’un homme assez vertueux pour se faire aimer ; et quand cette reconnaissance arrive, elle ne produit qu’un sentiment de conjouissance, de voir arriver la chose comme on le souhaitait.

Quand elle ne se fait qu’après la mort de l’inconnu, la compassion qu’excitent les déplaisirs de celui qui le fait périr ne peut avoir grande étendue, puisqu’elle est reculée et renfermée dans la catastrophe ; mais lorsqu’on agit à visage découvert, et qu’on sait à qui on en veut, le combat des passions contre la nature, ou du devoir contre l’amour, occupe la meilleure partie du poème ; et de là naissent les grandes et fortes émotions qui renouvellent à tous moments et redoublent la commisération.


Corneille, Discours de la tragédie et des moyens de la traiter selon le vraisemblable ou le nécessaire

Peut-être faut-il voir un signe dans l’organisation d’un colloque tel que celui-ci, cela un mois tout juste après la journée organisée par Christine Noille et Sophie Rabau, « Construire le contexte : une expérience de lecture[1] », où chaque intervenant était invité à prendre Le Page disgracié de Tristan L’Hermite comme support arbitraire d’un exercice qui consistait à se demander ce que l’on peut (ou ce que l’on veut) dire d’un texte dont on met volontairement entre parenthèses tout savoir historique et critique disponible. Ce signe, ce serait qu’après une longue période de recentrage disciplinaire et séculaire ayant considérablement réduit le dialogue théorique entre spécialistes des siècles classiques et spécialistes de la littérature après la Révolution, nous sommes prêts à travailler à un certain décloisonnement. Dans l’exercice auquel nous allons nous livrer au cours de ces trois matinées, la critique ne relève plus d’un magistère mais d’une prise de risque volontaire et calculée, nécessaire à ce que nous maintenions le désir d’une approche spéculative – avec ce que cela peut avoir de gratuit en apparence.

On peut interpréter cet exercice de lectures croisées de plusieurs manières : en mettant l’accent sur ce qu’apporte un regard neuf (voire potentiellement naïf), mais aussi sur les écarts productifs qui vont se creuser entre approches concurrentes, ou encore sur le retour critique qu’un texte neuf oblige à effectuer sur ses propres postulats méthodologiques. Pour ma part, j’aimerais l’envisager sous un angle plus limité, en revenant à un problème traditionnel de la théorie littéraire, celui de l’importation d’outils conceptuels anachroniques. Il se trouve que le texte proposé par Emma Gilby est exemplaire de ce phénomène, puisque Corneille, conduit sous la pression en particulier de La Pratique du théâtre de l’abbé d’Aubignac à s’expliquer en théoricien, revient dans les Trois Discours sur le poème dramatique sur son expérience de dramaturge en se confrontant à La Poétique d’Aristote, plus précisément en s’autorisant d’elle pour mieux s’en démarquer. Le passage retenu, extrait du deuxième discours, survient juste après la discussion sur la catharsis et porte sur le principal moyen d’exciter la crainte et la pitié, à savoir le surgissement des violences au cœur des alliances. À plusieurs reprises déjà dans le texte, Corneille s’est écarté des interprétations traditionnelles d’Aristote ou même du philosophe grec, en invoquant à chaque fois l’autorité d’exemples contemporains, en particulier de ses propres pièces. Au cœur même du passage découpé par Emma Gilby, Corneille contredit Aristote, notamment au début du 4e paragraphe : « Je pense être bien fondé sur l’expérience à douter si celle qu’il estime la moindre des trois n’est point la plus belle… ». Notez qu’Emma Gilby a effectué juste avant une coupe : dans ce passage supprimé, le dramaturge exploite un argument de type historique ou anthropologique : puisque certaines valeurs n’étaient pas de l’usage du siècle d’Aristote comme elles sont devenues de celui de Corneille, le philosophe grec ne disposait pas d’exemples de tragédie conformes au modèle que défend le dramaturge – « ainsi est-il possible de faire honneur à notre Siècle (je cite Corneille) sans rien retrancher de l’autorité de ce Philosophe ». C’est cette tentative de conciliation qui m’intéresse ici. Bien entendu, elle n’a rien d’anachronique à l’époque où Corneille y recourt, puisque les règles qu’il tire de La Poétique sont considérées comme valant de manière universelle. Reste que la conception classique de la création littéraire n’implique nullement d’ignorer l’historicité de la littérature ; l’argument employé par Corneille le montre parfaitement : il s’agit pour lui d’ajuster méthodologiquement le système aristotélicien en l’adaptant aux goûts et aux valeurs contemporains, qu’illustrent en particulier ses œuvres.

Les Trois Discours sur le poème dramatique ne me sont, je l’admets bien volontiers, accessibles que par le biais de ses commentateurs. Mais si je n’en suis pas un spécialiste, j’en suis néanmoins un lecteur occasionnel. Emma Gilby et moi-même ne nous sommes pas concertés par avance, j’en fais le serment, mais par un heureux hasard (si tant est qu’il y ait du hasard dans le domaine de la recherche), j’ai eu il y a peu recours à ce même texte de Corneille afin d’étudier un scénario non réalisé. Et j’ai à mon tour procédé à une même opération d’ajustement (toutes proportions gardées), fort délicate en ce qu’il s’agissait non plus de théâtre mais de cinéma. En travaillant, en effet, sur les archives de la tentative par Fred Zinnemann d’adapter La Condition humaine sur un scénario d’Han Suyin pour le compte de la MGM en 1968, j’ai découvert non seulement plusieurs versions rédigées par Han Suyin, mais surtout de nombreuses traces des relectures effectuées par Fred Zinnemann, par certains des responsables du studio ou par d’autres scénaristes engagés comme script doctors. Pour qui désire analyser la genèse d’un scénario, il existe très peu d’outils d’analyse et je me suis rendu compte que la plupart des questions traitées par Suyin, Zinnemann et leurs collaborateurs étaient les mêmes que celles d’un Corneille dans les Trois discours. Un tel parallèle contrevient aux règles en cours dans la théorie cinématographique, qui s’est dès le départ formée par différenciation et même par hostilité avec le théâtre. En effet, dans le cas du 7e art, l’analyse ne s’applique jamais au scénario mais au film en tant que flux d’images animées et sonores, dans lequel le scénario est supposé se résorber entièrement. Néanmoins, dans le cas d’un film irréalisé ne subsiste plus que la version scénaristique, devenue une sorte de film potentiel, qu’il est alors possible d’envisager sous sa forme proprement dramatique.

Afin de justifier ce recours à Corneille, j’ai fait l’hypothèse d’une certaine homologie structurelle entre la doctrine classique et l’écriture scénaristique des studios hollywoodiens jusqu’à la fin des années 1960. Il existe un certain nombre de modalités et de contraintes qui constituent non pas, certes, un corps de doctrine âprement discuté comme il le fut par les doctes et par les dramaturges au xviie siècle, mais un ensemble suffisamment élaboré pour que David Bordwell puisse parler d’une « norme esthétique » cohérente, fondée sur un système de production standardisé : la prééminence de cinq ou six genres aux règles fixes et aux modèles bien connus du public, la priorité accordée à quelques personnages principaux dont les buts individuels sont le moteur même de l’intrigue[2], la stricte articulation entre psychologie et action (les caractéristiques des personnages étant des causes latentes et les actions des effets de ces caractéristiques), l’existence d’au moins deux lignes d’action dont l’une implique inévitablement une relation d’amour (hétérosexuelle) entre les héros, étroitement liée à la ligne d’action principale, l’exigence d’une construction dramatique nettement structurée (exposition, conflit, complication, crise, dénouement) et obéissant à un principe essentiel de transparence[3], ou encore le recours à des émotions et à des valeurs censées transcender les divisions nationales, ethniques et sociales[4]

C’est à la lumière de cette application de la théorie cornélienne à un scénario hollywoodien que j’aimerais lire l’extrait choisi par Emma Gilby. Celui-ci illustre ce que la dramaturgie classique offre peut-être de plus systématique (et de plus fascinant) : l’idée que toute tragédie puisse être envisagée à partir d’un tableau à double entrée selon deux critères – le degré de proximité (entre les personnages concernés) et le degré de violence que l’un d’entre eux exerce sur le (ou les) autre(s). Du croisement de ces deux critères résulte quatre possibilités, dont Corneille commente longuement celles où la violence ne débouche pas sur la mort de la victime, autrement dit la troisième (on reconnaît à temps comme un proche celui que l’on voulait faire périr) parce qu’Aristote y reconnaît un haut degré d’excellence, et la quatrième (on connaît d’emblée le lien de proximité, où l’on tente malgré tout de faire périr mais en y renonçant in fine) parce que Corneille y range ses principales tragédies (Le Cid, Cinna, Rodogune…). Tout l’effort du dramaturge consiste à prouver qu’à l’intérieur de cette combinatoire, la quatrième option suscite plus de pitié que la troisième, autrement dit que l’on ressent plus de pitié lorsque la tension entre liens naturels et exercice (interrompu) de la violence se déploie dans la conscience (plus précisément le discours) des personnages, plutôt qu’à leur insu (car alors, le spectateur craint pour le proche menacé tant que celui-ci n’a pas été reconnu, mais il ne connaît rien de la violence interne qui se joue chez les personnages qui se heurtent à un dilemme). On voit donc que le conflit d’apparence formelle sur ce qui est le plus à même de susciter la pitié est surdéterminé par l’évolution que le théâtre a connue depuis Aristote, et en particulier par la psychologie des personnages.

Que intérêt aurions-nous à poursuivre le geste accompli par Corneille lui-même et à élargir à notre tour sa réflexion à l’écriture de scénario dans un cadre aussi contraignant que celui des studios hollywoodiens ? Que vaut dans ce cas la combinatoire repérée ? Bien entendu, il est impossible de transposer directement le modèle esquissé par Corneille, puisque la tragédie n’a pas d’équivalent cinématographique : dans le domaine du 7e art, les œuvres censées susciter la crainte et la pitié se partagent entre différents genres comme le drame historique et le drame politique, le film fantastique, ou encore le film d’horreur… Prenons pour exemple Rebecca de Hitchcock (1940), où une jeune femme modeste s’unit au riche Maxim de Winter mais est hantée par la première épouse, Rebecca, et manque de se suicider : même si la violence est ici exercée par la gouvernante, Mrs Danvers, amoureuse de l’ancienne Mrs de Winter, la source de cette violence provient bien du mari, qui a tué Rebecca, mais qui se révèle finalement innocent (selon un coup de théâtre digne du théâtre classique) puisque l’on apprend in extremis que Rebecca était une mauvaise épouse, ayant mérité son châtiment. Ce que montre un tel exemple, c’est que le schéma dramatique hollywoodien s’écarte de ce qui valait au xviie siècle pour des raisons assez proches de celles qui opposaient Corneille à Aristote, c’est-à-dire des raisons que l’on peut qualifier un peu rapidement d’anthropologiques et qui touchent à la diversifications des éléments constitutifs de l’œuvre dramatique (les modèles génériques, les types d’intrigue, la psychologie des personnages, les valeurs représentées…). Bien entendu, les deux critères de la proximité et de la violence (meurtrière ou non) ne suffisent pas à rendre compte du film de Hitchcock parce que l’hésitation fantastique et la charge libidinale qu’introduisent les deux figures de Mrs Danvers et de Rebecca (à la fois parfaite et monstrueuse, tout en restant toujours absente) retiennent plus notre attention de spectateur que le schéma analysé par Corneille – reste que ce schéma s’applique parfaitement au film de Hitchcock : la crainte et la pitié suscitées par le film tiennent pour l’essentiel à l’apparente indifférence puis à l’hostilité de Maxim de Winter, incapable de défendre sa femme contre Mrs Danvers et qui l’humilie même lorsqu’elle se présente parée de la robe de sa première épouse, mais qui parvient finalement à la sauver (et à se sauver lui-même) lorsqu’il apparaît qu’il n’est moralement pas coupable du meurtre de Rebecca (le combat intérieur de Maxim se jouant entre sa culpabilité due au meurtre et son amour pour sa nouvelle épouse).

J’aimerais pour terminer revenir sur l’intérêt qu’il y a pour un non spécialiste à s’inspirer d’un traité comme celui des Trois Discours. L’anachronisme d’une telle référence théorique est dans ce cas délibéré : il vise à provoquer un effet de rupture épistémologique. En effet, l’étude du scénario de La Condition humaine tombe sous le coup de l’interdit qui pèse sur tout ce qui précède la réalisation et le montage d’un film, dont il n’est question (en dehors des rares travaux de génétique cinématographique) qu’à proportion de ce qu’en conserve ou de ce qu’en révèle le support filmique. Il y a là un véritable paradoxe, puisque chacun sait que les ouvrages consacrés à l’écriture scénaristique pullulent mais se limitent tous à une visée pratique – il s’agit des manuels destinés aux apprentis scénaristes, et tous ont pour référence théorique inévitable (parfois même unique) Aristote lui-même[5]. Pourtant, les théoriciens du cinéma ignorent résolument ces approches purement utilitaires et envisagent les films non comme des œuvres dramatiques, mais comme des œuvres narratives (ainsi que l’attestent les multiples manuels de narratologie filmique) – à l’extrême limite évoquera-t-on les dialogues, alors qu’il s’agissait là de l’un des aspects les plus négligeables pour la théorie du théâtre à l’époque classique. Ce que la confrontation avec la théorie de Corneille permet, c’est donc de briser l’une des principales résistances de la théorie du cinéma, à savoir le statut opéral, systématiquement minoré, du scénario. Plus largement, l’idée est d’étendre le programme d’une poétique des films, lancé par Marc Cerisuelo dans Fondus enchaînés[6], à ce qui constitue la première mise en forme des œuvres cinématographiques, et pour une très grande partie d’entre eux, restés à l’état de projets, leur unique modalité d’existence.


*

* *

(Dans la séquence qui précède, Kyo, enfermé avec les révolutionnaires arrêtés, dont Katoro – Katow dans le roman – s’apprête à se suicider en avalant son cyanure : « Kyo – Dans la ville, il y a un million d’hommes qui pensent à nous avec l’affection qu’on n’a que pour les morts…/ Il prend le cyanure, le tient dans la main./ La porte s’est rouverte, le garde avance vers lui –/ Il mord le cyanure. »)

On apporte deux nouveaux blessés à côté de Kataro. Sifflet.
Premier blessé – Brulé. Les yeux aussi, les yeux, tu comprends. Être brûlé vif…
Kataro – On peut l’être par accident.
Le deuxième sanglote.
Premier blessé – Ce n’est pas la même chose.
Kataro – Non, c’est moins bien.
Premier blessé – Les yeux aussi, les yeux aussi… Chacun des doigts et le ventre, le ventre.
Deuxième blessé – Assez !
Le visage, il ne peut plus crier. Il crispe ses doigts sur le bras du premier, tout près d’une blessure.
Près du fanal, l’un des gardiens conte aux autres une histoire. Leurs corps font ombre, et Kataro et ses voisins sont dans la nuit.
Le visage de Kataro, sans expression.
L’ombre.
Kataro – Pose ta main sur ma poitrine, et prends dès que je la toucherai : je vais vous donner mon cyanure.
Il n’y en a que pour deux.
La main de Kataro avec le cyanure. L’autre main qui se jette sur elle comme un animal.
Une seconde de silence.
Voix du premier blessé – C’est perdu. Tombé.
Visage de Kataro, sans expression.
Kataro – Quand ?
Deuxième blessé – Avant mon corps. Pas pu le tenir quand il l’a passé : je suis aussi blessé à la main.
Les mains qui cherchent à terre (Il y a des plâtres).
Elles se rencontrent. La main du premier blessé touche [34] celle de Kataro – la prend, la serre (du dessous, surtout pas comme une poignée de main).
Voix du premier blessé – Même si nous ne trouvons rien…
Les deux mains se crispent. En même temps.
Voix du deuxième blessé – Voilà.
Voix du premier blessé – Tu es sûr que ce ne sont pas des cailloux.
Kataro – Donne !
Il tend sa main qui tremble. C’est le cyanure. Il le rend.
Le blessé a repris la main de Kataro. Tout à coup sa main se tord, il halète. Elle se détend.
Kataro retire sa main.
Il se couche sur le ventre. Secousses de ses épaules.

*

L’armée révolutionnaire qui avance.
Les revolvers du bateau, gros plan.

*

L’officier revient. Fanal. Les hommes couchés. Masses confuses comme des tombes. (Projeter des tombes, renflements de terre, placées de la même façon). L’officier saisit Kyo, les deux blessés. Les bras retombent. Rumeur parmi les prisonniers.
Kataro se lève.
L’officier saisit une jambe, elle retombe.
La rumeur grandit.
L’officier – Morts !
Personne ne répond.
L’officier – Isoler les 6 prisonniers les plus proches ! [35]
Kataro – Inutile, c’est moi qui leur ai donné le cyanure.
L’officier (après une seconde) – Et vous ?
Kataro hausse les épaules.
Rumeur de plus en plus forte.
L’officier a reculé de quelques pas et réfléchit.
Kataro (à son voisin, voix basse) – Je vais essayer d’en étrangler un. Ils seront obligés de me tuer. Ils me brûleront, mais mort.
Mais un des soldats s’est approché par derrière et le saisit à bras le corps. Lutte – on lui attache les mains.
Kataro (voix haute) – Supposons que je suis mort dans un incendie !
Il avance.
Silence absolu.
Le fanal projette l’ombre de K sur les murs et le plafond.
On entend ses pieds qui touchent le sol ; il avance lentement à cause des blessures.
Chaque fois que ses pieds touchent le sol, toutes les têtes des prisonniers battent de haut en bas.
Ces têtes, gros plan, pendant que le son continue.
Expressions très différentes : affection, admiration, effroi, résignation.
La porte se referme.
Toutes les têtes tendues.
Silence.
Sifflet.

[Dans la marge, ajout manuscrit en russe :
« Présenter trois actions parallèles :
les forces intérieures
les forces révolutionnaires qui préparent une offensive
et K. monté en tant que chef des forces réunies.
Les deux premiers groupes sont complètement différents. »]

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- [v] -

Ici la scène importante entre les capitalistes et la police, liéeà la prise de Shanghai par les troupes révolutionnaires et par les révolutionnaires de la ville (Voir le roman : il s’agirait d’unir un certain nombre de scènes de combat, grève générale, etc.)

À discuter avec le metteur en scène.

FIN.

 

Fin du scénario de La Condition humaine co-écrit par Malraux et Eisenstein

J’en viens à présent à la deuxième partie de l’exercice. Je ne suis pas sûr qu’il soit plus facile de parler en tant que spécialiste. En réfléchissant au texte que j’avais soumis à Emma Gilby, j’ai été frappé par le fait que ce qui me caractérise comme spécialiste supposé de cet extrait (qui est tiré d’un scénario co-écrit par Malraux et Eisenstein deux ou trois ans après la publication de La Condition humaine), c’est une sorte de disposition immédiate, dont je puis très difficilement, moi comme n’importe qui d’entre nous, me détacher. Une disposition qui me place dans une situation relativement inextricable : je n’ai qu’un temps d’intervention très limité ; pourtant, avant même d’en venir au commentaire de cet extrait lui-même, j’éprouve un besoin irrépressible d’en reconstituer le contexte historique. Les circonstances dans lesquelles est né ce projet d’adaptation soviétique forment une sorte de légende, dont on ressasse continuellement les mêmes anecdotes. Je me sens donc la responsabilité tout d’abord d’expliquer les raisons pour lesquelles le plus grand cinéaste soviétique a voulu adapter La Condition humaine un ou deux ans après sa parution, puisque mon titre de spécialiste implique que je puisse en garantir la reconstitution la plus juste possible, deuxièmement de corriger les erreurs ou les approximations qui circulent (comme de préciser, entre autres, que le réalisateur prévu pour ce projet n’était pas Eisenstein, engagé par le studio soviétique en tant que conseiller, mais l’un de ses anciens élèves, Albert Gendelstein), enfin et surtout, de faire sentir la valeur inestimable de cet inédit difficile à situer (l’extrait est en effet tiré d’une continuité dialoguée de 35 feuillets, version quasi-complète du scénario envisagé par Malraux et Eisenstein qui, contrairement aux documents préparatoires publiés en annexe au roman dans le t. I de l’édition « Pléiade », dormait jusqu’ici dans les archives « Eisenstein » aux Archives d’art et de littérature de l’État de Russie, le RGALI).

Pour les besoins de l’exercice, je décide donc de ne pas céder à ce penchant (quoiqu’il m’en coûte), autrement dit de ne rien dire du contexte et de réfléchir à ce réflexe conditionné qui fait de moi un spécialiste. Comment s’explique-t-il ? Le plus simple serait de n’y voir que le résultat de mes choix méthodologiques : puisque j’ai opté en faveur d’une étude génétique de l’adaptation comme moyen privilégié de renouveler l’histoire des rapports entre littérature et cinéma, je suis contraint, pour faire exister l’objet que je me suis donné, d’en livrer toutes les coordonnées. La génétique a ceci de particulier qu’elle rend compte d’une œuvre connue du public de manière indirecte, par le biais d’avant-textes ou d’autres documents qui visent à en éclairer la genèse, mais cela en se substituant à l’œuvre première (première par conséquent dans le domaine de notre attention, mais dernière dans le processus de création comme dans celui d’interprétation), ce qui explique que ce type d’approche paraisse mettre entre parenthèses les œuvres achevées au profit de ce que le domaine des brouillons nous dit de leurs conditions de réalisation. Dans le cas d’œuvres irréalisées, comme pour un scénario inachevé, le phénomène est bien entendu porté à son comble : le détour est alors maximal puisque les esquisses sont envisagées pour elles-mêmes, indépendamment de l’œuvre à laquelle elles auraient pu aboutir, et qu’elles font en quelque sorte exister en vertu du seul processus de reconstitution critique. L’approche génétique tombe ainsi sous le coup de l’ironie avec laquelle Péguy commentait dans L’Argent la rigueur historiographique dont Langlois se voulait, à l’époque, le gardien sourcilleux et qui consistait à « ne point écrire un mot sur une question avant d’avoir épuisé et la document et la littérature sur cette question » (p. 841). Cette obsession des préliminaires, cette tactique d’encerclement indéfini m’éloigne inévitablement de l’œuvre elle-même, difficulté que redouble le statut lacunaire d’une œuvre inadvenue, puisque celle-ci n’existe qu’à travers une série de traces conservées de manière aléatoire, et impropres à en rendre compte entièrement. En bon généticien, il me faudrait non seulement remettre à sa place un par un chacun de ces éléments, mais surtout préciser les pièces manquantes, les trous de ma documentation, ses pistes avortées. Inépuisable, une étude génétique l’est à la fois dans la série des documents d’archives à rassembler, tous nécessaires à la démonstration d’ensemble mais jamais suffisants en eux-mêmes, en sorte qu’ils conduisent à remonter sans fin la chaîne des causes premières, mais aussi dans l’examen de tout ce que je dois reconstituer à titre d’hypothèse afin de combler l’absence de nombreux documents (par inachèvement auctorial ou par défaut de conservation).

Je le reconnais bien volontiers : la génétique condamne à cette tentative d’épuisement qui retarde d’autant le contact avec le texte. Pourtant, cela n’explique pas, me semble-t-il, la tension que j’éprouve en tant que spécialiste de ce scénario co-écrit par Malraux et Eisenstein. Supposons que j’aie opté pour une approche poétique, plus directement applicable par conséquent au texte, cette tension n’en serait pas moindre, en ce qu’elle dépasse très largement la seule question du choix méthodologique. La raison en est à la fois simple à formuler mais complexe à saisir dans ses conséquences sur nos pratiques d’interprétation : elle tient en ce je suis, comme tout spécialiste, personnellement attaché à la reconnaissance que l’on accordera au texte dont je traite. D’une certaine manière, plus qu’au fait de tenir à une compétence particulière (qu’il s’agisse d’une somme de connaissances, d’un savoir-faire technique ou d’une conception de la littérature que je défendrais), mon identité de spécialiste tient au besoin que j’éprouve de convertir un tel savoir en un gain symbolique garantissant la valeur de l’œuvre à laquelle celui-ci s’applique. Ce qui caractérise mon rapport à ce texte, c’est qu’il n’existe pour moi ni comme simple exercice, ni comme support d’une démonstration, ni même comme jalon dans une tradition fixée indépendamment de ce que je peux en dire : je suis directement attaché, par le biais de mon commentaire, à la valeur qui lui est reconnue, que cette valeur soit canonique ou transgressive, et je n’en suis le spécialiste qu’à proportion de la place, plus ou moins visible, que mon commentaire lui assure dans la masse des œuvres que nous recevons comme littéraires. S’il est difficile de dire exactement « de quoi nous sommes aujourd’hui les “spécialistes” » du fait de la multiplicité de nos méthodes, en revanche, nous avons pour point commun un même investissement intellectuel et quasi affectif pour notre objet de recherche, ce qui explique que l’entrée dans le texte même suppose d’aussi nombreux préalables (précisions historiques, recoupements biographiques, mises en réseaux intertextuelles, ou encore clarifications notionnelles), qui sont autant de gages de ce qui nous paraît en faire la valeur. Il en résulte que, contrairement aux sciences dures et moins dures, où les domaines de spécialité pré-existent de manière relativement stable, en littérature, seuls les partages séculaires et génériques constitue un cadre fixe, et ce sont nos recherches qui décident du degré de reconnaissance éminemment variable des œuvres et par conséquent des auteurs ou des objets théoriques sur lesquels les candidats suivants auront, à l’avenir, intérêt à se spécialiser.

Toutefois, on pourra m’objecter que le risque que j’ai pris reste limité : je passe sous silence tous ces préalables qui me paraissent indispensables pour faire comprendre l’extrême importance de ce scénario, mais les noms conjoints de Malraux et d’Eisenstein devraient suffire à lui garantir un intérêt minimum. Je l’admets. Pourtant, cela ne permettra pas d’expliquer pour quelle raison cette continuité dialoguée est plus intéressante que les synopsis et les notes publiées en annexes à La Condition humaine en « Pléiade ». Pour cela, il me faut entrer dans le texte, où là encore, c’est la multiplicité des éléments à commenter qui me submerge. Pour contrôler cette profusion quelque peu écrasante, je choisis de m’en tenir à un point, à savoir l’ajout en russe, de la main d’Eisenstein, à la toute fin de la continuité dialoguée :

« Présenter trois actions parallèles :les forces intérieures
les forces révolutionnaires qui préparent une offensive
et K. monté en tant que chef des forces réunies.
Les deux premiers groupes sont complètement différents. »

Avant d’en expliquer l’intérêt, je dois préciser (et me voici toute de même forcé à quelques éléments de contextualisation…) que jusqu’ici, notre principale source d’informations sur cette entreprise d’adaptation inaboutie était Malraux, qui a parlé de sa collaboration avec Eisenstein à plusieurs reprises. En réalité, les informations disponibles étaient très imprécises, si ce n’est en ce qui concerne cette scène finale, entièrement pensée et rédigée, selon Malraux, par le réalisateur soviétique. De cette scène où se serait concentrée la quintessence du montage eisensteinien, le romancier a livré trois versions différentes ; je n’en donne ici que la première, dans un entretien avec Jean Vilar et Françoise Verny pour le tournage de La Légende du siècle, publié ensuite dans Le Magazine littéraire de juillet-août 1971 :

Vous vous souvenez : des prisonniers qui vont être jetés vivants dans une locomotive qui a un foyer énorme, puisqu’elle est chauffée au bois ; on les appelle l’un après l’autre et ils se dirigent vers la locomotive. Et Katow se dirige à son tour vers la locomotive. Or, il est blessé et boite. Il y avait un plan où Katow qui boite de sa jambe droite plus courte, s’inclinait vers la droite, le plan suivant montrait l’une des armées révolutionnaires marchant vers Shanghai sur la droite, Katow fait le pas suivant, et par conséquent se redresse, puis l’autre armée révolutionnaire monte vers Shanghai sur la gauche. Toute la séquence était comme ça, un pas de Katow, une armée, un autre pas l’autre armée, et Eisenstein au montage, accélérait le mouvement jusqu’au moment où l’on voyait non pas jeter Katow dans la locomotive, mais seulement le prendre ; puis le grand coup de sifflet signifiant que la locomotive avait reçu sa proie, et en même temps que ce sifflet les deux armées se rejoignaient et entraient dans Shanghai. C’était la dernière séquence[7].

La continuité dialoguée montre pourtant qu’Eisenstein n’avait pas rédigé cette scène. Quelques notes du réalisateur, datées de janvier 1935, accompagnent le scénario : elles comprennent une esquisse de découpage, à laquelle sont joints quelques croquis sur la disposition des figurants durant la marche de Katow ; elles ne portent toutefois pas sur le montage des pas et des armées révolutionnaires progressant en même temps, mais uniquement sur l’avancée de Katow, dont Eisenstein élabore un découpage : là où dans le récit de Malraux, le sacrifice du révolutionnaire était compensée par la convergence des forces collectives, dans les notes du réalisateur, sa marche est dramatisée par un jeu sur les angles et les échelles, et par tout un travail de composition des plans dont la succession redouble les pas du personnage afin de leur imprégner un rythme, accentué à son tour au son par le rythme du sifflement. Le paradoxe est donc que, si l’on s’en tient aux documents disponibles, c’est Malraux qui a fourni une esquisse du montage le plus eisensteinien ; la continuité dialoguée montre, quant à elle, que le réalisateur a bien imaginé (mais apparemment uniquement sous forme de notes) une mise en scène proche du récit qu’en a fait Malraux – ici toutefois, ce ne sont pas deux armées, du nord et du sud, qui convergent, mais les « forces intérieures » (c’est-à-dire les communistes armés grâce au vol des armes sur le bateau) et à l’extérieur l’armée du Kuomintang, transformée dans cette continuité dialoguée en « forces révolutionnaires » au prix d’une manipulation sur l’ordre chronologique des faits (puisque le sacrifice des révolutionnaires est placé, dans le scénario, avant la prise de la ville, autrement dit avant le renversement d’alliance de Tchang-Kai-Schek qui conduira au massacre des communistes, comme si la dynamique engagée restait révolutionnaire même après la mort de Kyo ou de Katow, et que l’accord entre communistes et nationalistes ne devait pas se voir finalement brisé – conformément à la volonté de Staline). La révolution de 1927 est ainsi reconstituée sans que le renversement stratégique de Tchang-Kai-Sheck soit évoqué. Il y a là un véritable travail d’adaptation au double sens du terme : esthétique et politique, mais un travail dont les points de suture nécessaires laissent subsister de véritables cicatrices, puisqu’Eisenstein éprouve le besoin d’indiquer que les deux premiers groupes « sont complètement différents ». Mais comment pourraient-ils apparaître complètement différents, alors qu’à aucun moment dans la continuité dialoguée n’est mentionnée, par souci d’orthodoxie stalinienne, la divergence idéologique entre les opposants au Gouvernement à l’intérieur et l’armée qui progresse vers Shanghai à l’extérieur ? Ce que cette petite formule, ou plus précisément le soulignement de l’adverbe « complètement » symbolise, c’est en quelque sorte le processus même d’inadaptation ayant conduit Malraux et Eisenstein à forcer à ce point l’histoire qu’ils voulaient porter à l’écran qu’ils ont imaginé en faire le récit d’une conquête révolutionnaire, là où il s’agissait d’un terrible massacre. Un processus d’inadaptation inscrit à quelques lignes de la fin du scénario, comme un effet de signature, et qui a condamné cette Condition humaine soviétique à rester à l’état de scénario, autrement dit purement virtuelle.




[1]« Construire le contexte : une expérience de lecture », journées d’études co-organisées par Christine Noille et Sophie Rabau, Paris 3-Sorbonne Nouvelle, Maison de la recherche, 23-24 mai 2014.

[2] Sur ce point, Pierre Sorlin a noté que, dans le cinéma classique, les événements historiques paraissent être sans cause et relever soit du hasard, soit d’une sorte de fatalité : c’est aux personnages principaux que le système causal s’attache en priorité, les événements survenant comme une sorte de toile de fond.

[3] Imperceptible, cette narration doit donner au spectateur le sentiment qu’il a accès à toutes les informations nécessaires et lui permettre d’oublier ces conditions d’accès à l’intrigue afin de ne s’attacher qu’aux interactions entre les personnages.

[4]Voir David Bordwell, « The classical Hollywood style, 1917-60 », The Classical Hollywood Cinema: Film Style & Mode of Production to 1960, David Bordwell, Janet Staiger and Kristin Thompson, New York, Columbia University Press, 1985, p. 1-84.

[5]Voir notamment Michael Tierno, Aristotle’s Poetics for Screenwriters : Storytelling Secrets from the Greatest Mind in Western Civilization, New York, Hyperion, 2002.

[6]Marc Cerisuelo, Fondus enchaînés : essais de poétique du cinéma, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 2012.

[7] Françoise Vernyn « Jean Vilar : un entretien avec André Malraux », Le Magazine littéraire, n° 54, juillet-août 1971, p. 15-16.

 

 
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