Exergue n° 62

 

  

« En premier lieu, je parlerai ici d'une idée qui, pour autant que je sache, n'est encore jamais venue à l'esprit de personne – nous devons avoir une nouvelle mythologie, mais cette mythologie doit être au service des Idées, elle doit devenir une mythologie de la raison.

Les Idées, avant que nous ne les ayons rendues esthétiques, c'est-à-dire mythologiques, n'ont aucun intérêt pour le peuple ; et inversement une mythologie, avant d'être rationnelle, est un objet de honte pour le philosophe. C'est ainsi que les hommes éclairés et ceux qui ne le sont pas doivent à la fin se tendre la main, la mythologie doit devenir philosophie pour rendre le peuple raisonnable, et la philosophie doit devenir mythologie afin de rendre les philosophes sensibles. Alors régnera parmi nous l'unité éternelle. »

[Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling],
Le Plus ancien programme de l'idéalisme allemand,
in Ph. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy,
L'Absolu littéraire, Paris, Seuil, 1978, p. 54.

 
 


Victor Béguin

12/01/2013

Inachèvement du programme énoncé dans ce formulaire pour une modernité possible, dont les exigences directrices – le système qu'il annonce a fortiori – se trouvent encore devant nous.

Système articulé manifestement, et de manière décisive, autour de l'idée d'une nouvelle mythologie sans laquelle les Idées sont muettes (littéralement : sans muthos) et le peuple « égaré ». L'enjeu : circonscrire l'espace pour l'instant vide qui se déploie entre ces deux pôles, tout en définissant d'un même mouvement l'unique opération à même de le parcourir : l'opération mythologique. S'avancerait alors la possibilité d'une « unité éternelle » – aussi bien, d'une démocratie effective.

Nouvelle mythologie ? Parions que c'est précisément l'espace de jeu de la littérature ressaisie comme opération mythologique qui est ainsi défini. Littérature qui figurerait alors une manière de tenir le point de défaillance moderne du mythe tout en assurant la relève de l'opération de liaison qui fait, de ce dernier, la nécessité.

Littérature alors transitionnelle et mouvante, vouée à orchestrer comme un tissage démocratique immanent, et qui aurait pour nom, en somme : sujet-objet, Œuvre, parcours donc d'une fracture à laquelle manque un opérateur de communication, mieux, de communicabilité ; opérateur littéraire, c'est-à-dire cosmologique furtivement, de récollection possible et toujours problématique de quelques poussières du cosmos délié. Voilà ce qui serait devant nous.

 

Powered by : www.eponim.com - Graphisme : Thierry Mouraux   - Mentions légales                                                                                         Administration