Exergue n° 103

 

« Ne vous empressez pas de dire
que Tshanyang Gyatsho est un libertin :
certes, il a besoin d’amour
Vous autres, n’en avez pas besoin ?

Qui est-il, ce poète qui riait d’être mêlé aux autres, mais que sa fragilité éloigne de tous, qui s’amuse de ce qu’on dit mais n’arrive pas à se faire comprendre, s’enivre de sa liberté mais ne peut ébaucher un pas sans souffrir ? »

Bénédicte Vilgrain, La raison de l’oiseau,
poèmes de Tshanyang Gyatsho sixième Dalaï-Lama
,
(trad. et présentation B. Vilgrain), Fata Morgana, 2012, p. 9.

 
 



Yunfei Bai

11/01/2014

Il arrive que le sixième dalaï-lama, cet étrange saint-homme qui renonce à ses voeux de moine, se cristallise autour des deux pôles antithétiques : son pouvoir ecclésiastique n’inspire habituellement que la déférence tandis que sa conduite libertine se prête facilement aux rires les plus profanatoires.

Ainsi, on voit au-delà des schèmes mythifiants, osciller le bâteau ivre d’un poète qui flirte avec des limites. Flirter sans se compromettre, c’est précisément cette tension interne qui accorde à Tshanyang Gyatsho sa singularité, sa fraîcheur et son actualité. Autrement dit, c’est le trait transitionnel de la littérature qui assure la survie autonome d’un dalaï-lama iconoclaste dont la popularité ne se dément pas, comme en témoignent les récentes traductions et rééditions de ses poèmes tant à l’intérieur du Tibet que dans le reste du monde.

 

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