Abécédaire

 
 Geste n°2
 
 


Natacha Israël

31/01/2015

Le plus beau geste est celui d’une danseuse étoile : né de la grâce, il n’a rien d’autre à offrir et, pourtant, il arrive que son écho, sa vibration dans l’être qu’il a ému, persiste indéfiniment.

D’autres gestes sont beaux, assurément bien qu’autrement. La main tendue, les mains essuyées sur le tablier, la main qui nettoie le tableau noir ou peint le mur blanc ou frotte le parquet, la main qui invite à avancer, la main prête à rattraper, les mouvements du chef d’orchestre, les baisers imaginaires (envoyés par une main décidément capable de tout), et même le « je t’appelle » étrangement mimé (dans une chorégraphie qui implique des yeux un peu écarquillés, une tête légèrement penchée du côté des deux doigts dressés, encore à l’heure du numérique, - le pouce et l’auriculaire -, et le petit tremblement de la main, seulement si l’on n’est pas réellement décidé à rappeler). Mais pas la « main de Dieu » de Maradona, mauvais geste par excellence… Ni celui de la dissimulation, du tricheur. Moralement, ce n’est pas joli-joli.

Que dire, alors, du geste d’impatience, du mouvement d’humeur ? Après le spectacle, n’importe quelle brasserie proche de l’Opéra-Garnier est une extension de la scène. Un pas, un signe de la main, y font accéder. Les danseurs sont aussi gracieux accoudés au comptoir que sur le trottoir, un peu plus tard, malgré un ou deux demis. Ils se sont montrés plutôt généreux avec leurs amis et les amis de leurs amis. Soudain, on entend « Ah, tu es là ? Merci d’être venu », mais la voix est fêlée et le regard fuyant. Une gifle vaudrait mieux, ni anticipée ni répétée. Unique.

Tous les danseurs, de sept à soixante-dix-sept ans, doivent l’apprendre.

 

   

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