Abécédaire

 

 

Monstre




Noémie Bys

18/03/2017

 

 

 

On nomme Monstre ce qui semble différent, ce que l’on prête pour laid et qui fait peur.

Je me souviens de l’enfant et de ses premières insomnies, craignant l’abîme du dessous. C’est la solitude qui lui donnait à voir le monstre. Le-monstre-de-dessous-le-lit. Un compagnonnage terrifiant, où les nuits de grandes aventures, l’enfant savait ce que signifiait le mot « petit ». Et sur la barque du sommeil avancé, le Monstre se dresse et l’on n’entendra qu’un cri.

Aujourd’hui, étrange retour, mon sentiment n’est plus aussi catégorique, nous nous sommes peut-être ratés, le monstre et moi, problème de communication, question de sociabilité. Il est un à-côté, n’appartenant ni à une ligne ni à une forme, il est a-forme.

Surgissant de l’allée obscure, le Monstre veut faire croire aux Chimères. C’est l’altérité qu’il pointe du doigt jouant sur le fil du dégoût et de l’empathie. Au loin, l’on entend s’annoncer les bateaux, amarrant les monstruosités des mauvais chrétiens. Fabuleux. Le Monstre est celui qui est capable de mettre du désordre.

Sans doute existe-t-il deux sortes de Monstre : celui qui suscite la compassion, et celui qui règne par la tyrannie du souvenir. Contours empathiques, ou vents traumatiques, le monstre vagabonde dans les étages de la folie, parfois la nuit, parfois le jour.

Il dialogue entre le Bien et le Mal, l’admiration et la terreur. Parfois, le discours amoureux arbore aussi une langue monstrueuse, le « dire massif » étouffe l’amant, à trop parler son amour n’est pas généreux.

Je pourrais continuer encore ces affirmations de ce qu’est un monstre et de ce qui ne l’est pas. Mais à bien y réfléchir, je me suis trompée. Le monstre est une vitrine, il se fabrique un corps, un visage, il se veut autre chose qu'humain, ou à la rigueur, une exception. À se montrer autant on ne voit que lui, et l’on oublie alors que « monstruosité » s’infiltre dans les petits détails, dans le souffle quotidien. Lorsque l’ombre dépasse l’apparence, la perfidie avance sous la lumière. La violence d’un rire par exemple sert à unifier le différend qui dérange le Monstre. Il cherche à imposer une normalité, en se désignant comme unique écart.

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Mais ici, je voudrais que l’Autre soit un charmant petit monstre. Juste une singularité dont la faiblesse, les doutes et les angoisses, me touchent et m’ennuient.

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