Abécédaire

 
 Tremblement n° 4
 
 

Virginie Huguenin

05/09/2015

 

Le mien :

J’arrive. Je suis là. Puis je suis face à eux, ils sont face à moi. Ils sont trente. Ils sont soixante. Ils sont quatre-vingt dix et enfin, ils sont cent-vingt. Je suis seule. Je me sens seule. Ils me regardent tous. Je ne les vois pas tous. Leur silence est pesant autour de ma voix qui tremble.

Le sien : 

Elle est là. Elle est très grande face à nous et sa voix est forte. « Le professeur est un être qui cherche à faire peur pour calmer les élèves » écrirai-je plus tard dans une copie. A ce moment-là, je n’aurai plus peur d’elle. Mais en ce début d’année, face à elle qui parle, je suis pâle. Je suis figée et, autour de moi, je vois les autres défaits, stupéfaits. Comme moi, peut-être, ils tremblent.

Le nôtre :

Je suis face à eux et, intérieurement, face à elle. Ensemble, nous allons lire un texte. Je commence puis quelques mains se lèvent. Le calme s’installe, doucement. Une voix s’élève, puis deux, puis trois. Très vite, elles se stabilisent et font corps avec le texte qui occupe alors toute la place. Il est là, entre nous et finalement, le Petit Poucet ne se perd pas. Shéhérazade sauve sa vie en racontant des contes et Queneau fait danser la cigale et la fourmi, réconciliées. Un mouvement nous agite, un tremblement, encore. Mais toujours, je traîne des pieds en quittant la salle et rares sont les cahiers qui se ferment quand la sonnerie retentit, nous libérant tous de ce qui se passe ici. Que cela fût possible me trouble. D’émotion, j’en tremble.

 

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