Abécédaire

 
 Soumission n° 1
 
 


Hélène Merlin-Kajman

06/06/2015

Sous-mission : mauvaise mission ?

Car d’abord j’ai été tentée de me dérober (ou de me rebeller ?), d’autant qu’après tout, avec ce méchant calembour, je serre de près létymologie du mot.

Mais il est trop clair que la soumission de celui qui se soumet n’a rien d’une mission, même dégradée. L’être soumis n’est plus l’envoyé de personne. La force l’a réduit et assujetti. Il plie la nuque : il ressemble au chien rampant, habitué aux coups, c’est-à-dire à cette version servile du chien cessant d’être le compagnon de l’homme, l’animal domestique obéissant mais aimant qui continue de jouer, de désobéir parfois, d’aboyer, de courir après les lapins dans les champs, et qui peut même, à la mort de son maître, se laisser mourir de chagrin.

Et que dire de plus ?

Que les passions, lorsqu’elles se soumettent à la raison, donnent un sens plus noble à ce terme ? Nous savons bien qu’il n’en est rien, et que, soumises, elles ne font pas des ravages moins grands qu’insoumises.

Que, longtemps, on a compris la soumission comme la capacité de se vider de tout le superflu de sa personne pour, à la façon des mystiques, se faire réceptacle du divin, comme dans la possession ?

Mais toutes ces flammes qui dévorent le cœur, que valent-elles sans consentement, sans accompagnement volontaire et allègre ?

Peut-être aurais-je tout de même envie de sauver un sens ancien, celui des formules finales de civilité et de respect, qui, donnant au mot un sens clairement hyperbolique, reconnaissait à la hiérarchie la fonction fugace d’organiser parfois la solidarité heureuse des liens sociaux.

Mais les amoureuses de Molière, soumises à leur père, ont pour leur bonheur une servante insoumise qui s’expose aux foudres du maître et, joueuse, soutient leur désir en leur communiquant sa puissance rebelle et en inventant pour elles les mille et un stratagèmes qui les libèreront.