Abécédaire

 
 Oubli n° 3
 
 

Côme Jocteur-Monrozier

18/04/2015

Un problème quasi professionnel : avoir lu ou vu et ne plus se souvenir si ce n’est de la couleur de la couverture et de quelques images glissantes. Parfois c’est une créature difforme, un Protée tapi dans un coin de la tête quand les impressions fusionnent. Les textes alors s’emmêlent, trois films n’en font qu’un, le souvenir et la fiction sont tissés ensemble. Pire, les noms et les dates disparaissent derrière un écran sur lequel je m’acharne en vain.

Chercher en soi et se sentir dépossédé, le Je comme contenu m’échappe. Y’a une fuite. Dans quelques cas, la mémoire est rongée jusqu’à la disparition.

Certains oublis sont révélateurs. Du sens semble y affleurer presque malgré nous : le Moi s’échappe un peu plus, il apparaît réglé (peut-être) par des lois souterraines. D’où la coïncidence proustienne de ce qui peut ressusciter inopinément à l’heure du goûter au fond de ma tisane d’oranger.

L’oubli est aussi la béance au fond de nos têtes ou d’une conscience collective, faculté terrifiante et libératrice car parfois l’oubli redonne du jeu, un peu d’espace pour que quelque chose se passe ou se fasse à nouveau, même si c’est d’une autre façon qu’avant. On peut donc chercher à oublier en ajoutant une rasade à la tisane précédemment citée.

Contre l’oubli, pourquoi pas l’écriture : de la note pour les courses aux Mémoires de Saint-Simon.

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