Exergue n° 20

 

« Dans la vaste maison ou dans la bibliothèque d’Érasme, le précepteur érudit, qui est nécessairement un homme rare (...) repuerescit avec son élève. Cela n’est possible que si, entre la plus haute culture et la repuerescentia, il y a non seulement l’absence de contradiction, mais affinité et implication réciproque. Érasme l’indique ici assez clairement : repuerescere, ce n’est nullement retomber en enfance, ni succomber à une quelconque forme de puérilité ; c’est, au contraire, accomplir la plus haute culture, culture qui ne se définit nullement par l’érudition pure, mais plutôt par un complexe de qualités et dispositions (…)  »

Denis Kambouchner, « Retrouver en soi l’enfant (repuerescere) : réflexions sur un précepte classique », Colloque « Repenser l’enfance ? », Société Francophone de Philosophie de l’Éducation,
Sorbonne, 25-27 juin 2009, p. 5

 
 


 Stéphanie Burette

28/01/2012

Lorsqu’il repuerescit avec son élève, le précepteur se fait l’instrument d’une transition entre la plus haute culture et les ressources de l’enfant. Dans l’univers de jeu auquel il l’invite à participer et auquel il participe lui-même, il se ressouvient de l’enfant qu’il a été, il revit même cet état afin de partir du lieu où se trouve l’enfant pour l’accompagner dans son ascension, pas à pas. « Je marche plus ferme à mont qu’à val », écrira Montaigne, et la prouesse du précepteur est de savoir redescendre fermement jusqu’à l’état d’enfance tout en gardant à l’esprit la direction vers laquelle il souhaite conduire son élève. La reconnaissance du même – l’enfant dans l’adulte – attire l’élève vers le précepteur qui maintiendra cependant toujours cette distance nécessaire à son ascension dont résultera sa transformation. Ce jeu de rôle permet la création d’un espace de transition où l’apprentissage se fait comme insensiblement, du moins avec une peine diminuée, sinon divertie. Le jeu du précepteur devient une métaphore d’un sens plus haut, comme à travers les arts, les humanités, la littérature : il élève sans dresser ni redresser.