Séminaire

Séance du 11 décembre 2012 

 

 Préambule

 Que la littérature se pense en termes d’espace, nous en sommes convaincus à Transitions : pour réfléchir aux effets de la littérature et à ses usages, nous reprenons la notion d’« espace transitionnel » de Winnicott. Et c’est pour donner lieu aussi à ces effets – et non seulement les penser – qu’existent le questionnaire et le site. La réflexion de Xavier Garnier sur « La littérature et son espace de vie » ne pouvait donc que nous donner très envie de dialoguer. Quel est cet espace qui permet à la littérature d’« émerger » ? Il a bien une dimension sociale, mais pas seulement. Il dépend du texte, mais du texte comme « réserve événementielle ». Il ne « s’imprime nulle part », en un sens – d’où l’importance accordée par X. Garnier à la performance orale. Le texte « a l’ambition de se charger de vie ». Il peut assumer ce qui, dans le réel, est le moins catégorisable. Il se définit par le trouble qu’il provoque dans nos identités.

Recomposer, réorganiser l’espace en soi et recomposer des liens avec les autres : c’est ce sur quoi porte la discussion. Que devient l’individu dans l’événement littéraire ainsi compris (M. Faugère) ? Est-il fondu dans la masse, emporté dans une collectivité que X. Garnier évoque au moyen de la « rumeur », pour son caractère événementiel, sa puissance d’intervention sociale ? Si les collectivités que crée l’événement sont multiples – puisque l’individu lui-même est multiple , sont-elles pour autant compatibles, politiquement compatibles (B. Tabeling)?

Tout nous invite donc à distinguer différents espaces littéraires et différentes manière de créer les uns et les autres. On peut en effet choisir de donner l’avantage à un espace qui « préserve en chacun un espace intime inviolable » (H. Merlin-Kajman), de creuser la distinction avec l’espace musical (S. Nancy), de se montrer sensible à la capacité des textes théoriques, et non des seuls textes de fiction, à ouvrir l’« espace vital » de la littérature (A. Chassain). Sans se leurrer : X. Garnier dit bien que la littérature n’a pas que des effets positifs. Le rappel est salutaire. S’il y a du risque, il y a des choix. L’espace des transitions n’est pas un espace de consensus et de conciliation. 

S. N.

Xavier Garnier enseigne les littératures française et francophones à l’université de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3. Ses recherches portent sur la littérature en Afrique et sur la théorie du roman. Ouvrages publiés : La Magie dans le roman africain (PUF, 1999) ; L’Éclat de la figure (Peter Lang, 2001) ; Le Récit superficiel (Peter Lang, 2004) ; Le Roman swahili (Karthala, 2006). 

 

 

 

 

 

Rencontre avec Xavier Garnier

Qu'est-ce qu'un espace littéraire ?

 

 

 
 

19/10/2013

 

 

Présents : Benoît Autiquet, Marie-Hélène Boblet, Mathilde Faugère, Virginie Huguenin, David Kajman, Hélène Merlin-Kajman, Sarah Nancy, Nancy Oddo, Tiphaine Pocquet,  Anne Régent-Susini,  Brice Tabeling.

Plan de la séance :

Introduction par Hélène Merlin-Kajman

00 : 14 : 55 Exposé de Xavier Garnier

00 : 28 : 55 Question de Mathilde Faugère : vous présentez l’expérience littéraire comme quelque chose de non sociologique, de propre à l’individu, mais aussi, cependant, comme quelque chose qui touche à une dimension apersonnelle, préindividuelle. Quelle place donner à la notion d’individu dans cette notion d’événement littéraire ?

00 : 38 : 00 Question de Mathias Ecoeur : Vous dites que l’espace littéraire n’est pas localisable, et pourtant vous cherchez à le localiser « entre » différentes instances, différents lieux. Pourriez-vous préciser ? Et ce que vous décrivez ne se rapproche-t-il pas de la théorie de la lecture selon U. Eco, avec les notions de Lecteur Modèle et d’Auteur ?

00 : 48 : 17 Question d’Hélène Merlin-Kajman : Il me semble important de distinguer différents types d’espaces littéraires. Ne peut-on pas, ne doit-on pas distinguer entre des espaces littéraires placés dans le sillage des événements de sorcellerie, et d’autres espaces qui n’ont pas cette vertu intégrative ?

00 : 59 : 39 Question de Sarah Nancy : Même si l’exemple de la musique est nécessaire pour comprendre l’espace littéraire dans ta démonstration, ne faut-il pas distinguer l’un et l’autre pour saisir ce qui fait exister en propre l’espace littéraire ?

1 : 08 : 15 Question de Brice  Tabeling : Le désaccord qui apparaît entre les différents effets possibles de l’espace littéraire n’est-il pas un désaccord profond d’ordre politique ? Les différentes communautés créées par ces différents effets sont-elles seulement compatibles ?

1 : 16 : 30 Question d’Hélène Merlin-Kajman : L’opposition dont nous parlons ne peut-elle pas être rapprochée de l’opposition que fait Barthes entre plaisir et jouissance ?

1 : 24 : 42 Question d’Adrien Chassain : Parmi les textes privilégiés qui peuvent ouvrir un espace littéraire, provoquer cette recomposition de soi, ne peut-on pas comprendre les textes théoriques et critiques ?

1 : 33 : 24 Question de Stéphanie Burette : Pensez-vous qu’il y a des textes qui s’y prennent plus habilement que d’autres pour créer cet événement ? Est-il possible d’enseigner l’événement ?



Auteurs et œuvres cités dans la discussion :

Antonin Artaud, Le Théâtre et la peste.

Qu’est-ce qu’un espace littéraire ?, dir. X. Garnier et P. Zoberman, Vincennes, Presses Universitaires de Vincennes, 2006.

Maurice Blanchot, L’Espace littéraire.

Pierre Bourdieu

Mikhaïl Bakhtine, Problèmes de la poétique de Dostoïevski.

Gilbert Simondon

Soni Labou Tansi

Samuel Beckett

Umberto Eco, Lector in fabula.

Witold Gombrowicz, Journal.

Nathaniel Hawthorne, « Préface » de La Lettre écarlate.

Charlotte Delbo

Nicholas Hammond, Gossip, Sexuality and Scandal in France (1610-1715), Oxford, Peter Lang, 2011.

Walter Benjamin, « Le Conteur »

Didier Eribon, Retour à Reims.

Raymond Queneau


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