Hélène Merlin-Kajman

12 avril 2014

 

Singularités

 

R. L., qui répond aujourd’hui à notre questionnaire sur la littérature, nous suggère « de rajouter une question tournant autour de l’évolution de la pratique de lecture personnelle » : « Est-ce qu’on lit à quarante ans comme on lit à vingt ans ? ». Lui-même (oui, c’est un homme) n’a que vingt-huit ans. J’aime que sa question le projette vers un autre âge, un âge qu’il ne connaît pas encore. J’aime qu’elle défasse, très simplement et immédiatement, les abstractions dans lesquelles nous tombons toujours : le lecteur, le texte...

Non que R. L.  soit relativiste : « Il me semble que l’enseignement actuel, en n’énonçant plus de jugements esthétiques sur les œuvres, ou en ne posant plus (beaucoup) la question du beau aux élèves, perd une partie de son intérêt ». Donc, la beauté pour lui n’est pas platonicienne, elle est ce qui fait lien entre des qualités singulières d’un texte et nos singularités. C’est bien pour cette raison qu’elle a constitué le premier objet de notre réflexion.

Et de nos préoccupations constantes ! Regardez les nouveaux tableaux d’Henri Ekman, une série verte aujourd’hui ; ou la dernière fable d’Helio Milner, « La mort et le mourant », où le conteur continue son dialogue serré avec l’enfant.

Mais la beauté n’est pas le dernier mot, sacralisé, de nos préoccupations (surtout pas). Les autres textes de la semaine réfléchissent autrement les ambitions transitionnelles du mouvement. De façon mi-inquiète mi-drôlatique, l’exergue de Dionys Del Planey, sur une citation très politique de Grégoire Chamayou, nous convoque au futur antérieur. Et la quatrième session du colloque « Littérature » : où allons-nous ? organisé par Transitions les 3, 4 et 5 octobre 2012, session consacrée à la « dislocation des méthodes » (littéraires), interroge leur traitement du sens, leur rapport à l’histoire et au collectif, et le rôle que peut y jouer la figure, impropre ou pas, de la transition.

Toutes ces convergences laissent des restes non antagoniques mais non intégrés : c’est aussi cela, la transition.