Hélène Merlin-Kajman

02 mars 2013

 

La vie simple

 

Du très beau livre de Frédéric Worms, Revivre, il peut prendre envie de faire, un temps, un livre de chevet ; et pour donner sa couleur à la livraison de cette semaine, de citer cette phrase qui évoque la vie simple, toutes les vies  :

« Comment tisser ensemble les épisodes de ce récit ou plutôt, car ce serait sans doute plus juste, les scènes de ce drame ? Comme tout drame, notre vie n’est jamais histoire objective et neutre, elle est comédie ou tragédie, dans une alternative qui implique la coexistence des deux. »

Comédie ou tragédie : les grands genres classiques, en leur épure...

Je me rappelle avec perplexité que, déniaisés impénitents (c'est ainsi que se pensaient les libertins au XVIIe siècle), nous aurions écarté il y a dix ans, il y a vingt ans, il y a cinquante ans, écarterions encore souvent, ce type de réflexion.

Il n’est pas aisé de tenir ensemble la simplicité et l’intelligence (je ne parle pas de la sensiblité, qui risque de faire encore plus ringard). Le livre de Frédéric Worms répond à cet appel.

Et pour nous :

Tragédie : dans une lettre, comment parler d’un thrène ? Il faut simplement lire celui de Jean-Charles Vegliante.

Comédie : l’exergue de Brice Tabeling sur une citation allègre de Marivaux, encanaille la beauté sans la dégrader – écho, à sa manière, de la réflexion d’Ullrich Langer de la semaine dernière.

Enfin : à vie simple, il faut sa langue juste. Quand nous recevons des réponses au questionnaire, ce qui nous émerveille souvent, c’est vrai, c’est l’effort, lui-même si « littéraire », que leurs auteurs font pour mettre les mots justes sur ce qu’ils pensent et ressentent, comme aujourd’hui Gérard – sans doute parce qu’il sait, comme il l’écrit, que « la langue, l’écriture, le texte sont des matières palpables et faites pour exercer nos sens et notre esprit. »

« Tels sont les styles intemporels de nos vies, plus d’un style, pour relier plus d’une vie. » (Frédéric Worms, Revivre. Eprouver nos blessures et nos ressources, Flammarion, 2012, p. 288)