Hélène Merlin-Kajman
21 décembre 2013
« Voir plus clair sur la peau des fruits »
Il y a, à mes yeux, quelque chose de profondément inédit et de profondément bouleversant dans les tableaux d’Henri Ekman. Je ne saurais le nommer en termes d’esthétique ou d’histoire de l’art. Mais en regardant ces corps pas tout à fait humains jetés dans la grande couleur comme s’ils étaient passés de la nuit la plus sombre à l’espoir le plus intense (celui d'envisager la forme, peut-être ?), je songe à la fin de l’exergue de Manon Worms, sur une citation d’Erri de Luca : « Sortir dans la rue et “voir plus clair sur la peau des fruits”, oh, rien que ça ! »
Même s’il passe par l’arbitraire de mon regard, nul hasard à cet écho. Alors, merci à tous deux.
Et à Mary Shaw pour the house was being restored, son nouveau « dreamscape » : un nouveau voyage, les yeux comme grands ouverts, dans une mémoire qui se déforme à la manière d’un reflet sur l’eau du rêve. Celui-ci, tiens, nous emmène vers Godot. Enseigner ? Au milieu de débris beckettiens libérés de la tyrannie des didascalies ?
Merci aussi à Lou-Anne Abdou, 16 ans, d’avoir répondu à notre questionnaire sur la littérature. A la question de savoir ce que l’école devrait faire lire, elle écrit : « Des livres qui sont considérés comme incontournables mais que j’aurais la flemme de lire toute seule ». Mais lorsque nous demandons s’il est grave que les enfants n’arrivent pas à lire, elle répond négativement : car « lire est un plaisir, s’ils n’arrivent pas à lire, alors on ne doit pas le leur imposer. »
Il serait erroné de voir là une contradiction. Les deux phrases, l’une en sa sincérité, l’autre en sa générosité, dessinent la délicate responsabilité des enseignants : ne jamais forcer, mais ne jamais déserter (« the absence of thorns can hurt »). Faire en sorte, en somme, que les élèves entrevoient distinctement ces portes qu’on leur entrouvre, et les poussent peut-être, sûrement ! Maintenant, plus tard, autrement...
Transitions : ces écarts, laissés irrésolus et comme natifs.
Merci enfin à Jean-Patrick Géraud d’avoir fait répondre à notre questionnaire un très très vieil écrivain, Guillaume de Lorris (XIIIe siècle) – un vrai tour de force !
Cette année, nous vous retrouverons après les fêtes, samedi 4 janvier. Alors, d’ici là, nous vous les souhaitons très bonnes et très belles, ces fêtes...