Mathilde Faugère

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


mars-avril 2017

 

 Waiting for the other shoe to drop 

 

La période a été agitée, pleine de discours, de discordes, d’éveils aussi et de découvertes mutuelles. Nous sommes entre deux vagues, waiting for the other shoe to drop, entre calcul et abandon, pris par la discussion, en attendant de pouvoir, peut-être, commencer bientôt à nous projeter dans un temps autre. Des échanges, et les conversations, il y en a eu beaucoup à Transitions, au séminaire et sur le site pendant ces deux mois passés.

Car ici aussi nous avons parlé, ou plutôt nous avons écrit, comme nous en avons l’habitude mais un peu différemment aussi, multipliant saynètes, exergues, définitions, autant de formes qui font le pari double de la rapidité, et du déplacement. Il y a eu des analyses de rumeurs (ni Lise Forment ni Brice Tabeling ne l’aiment cette Rumeur sans visage). Il y a eu des illusions démasquées ou interrogées : Michèle Rosellini qui remet en question son « Obole » ou nous pousse à regarder le rituel de Pâques un peu autrement en commentant Quignard. Il y a eu des demandes d’écoute vraie – Gilbert Cabasso qui définissant « Parole » dit « tous [ses] efforts pour qu’on [l’]entende et [lui] accorde crédit » – et, plus récemment une interrogation sur ce que recouvre l’appel toujours renouvelé à la complexité (David Kajman commentant Miguel Benasayag et Diego Sztulwark). Hélène Merlin-Kajman et Brice Tabeling ont défini « Peuple », il n’a pas fallu moins de trois textes, et encore plus de points de définition, de changement d’acception ou de connotation, en plein milieu d’avril. Mais ce ne sont pas seulement les fragments qui se sont agités. Le vent a soufflé sur la rubrique Juste – celui dont le fabuliste d’Helio Milner tente de protéger l’enfant –, il y a même eu la mise à mort (toute fictive et poétique) d’un tyran (Coline Fournout).

Certains, dans les Fragments et ailleurs, ont cherché des sorties autres, ménagé des espaces plus en marge, sorties spatiales, temporelles ou poétiques se sont multipliées. Il y a l’appel à la « Mer » d’Augustin Leroy. Virginie Huguenin pensait au printemps en définissant « Pique-Assiette », Mary Shaw se projetait pour nous jusqu’en été : « there will be whole days of flying and climbing ». Gilbert Cabasso s’est attaché à regarder les « surfaces », belles. Hélène Merlin-Kajman a adjoint aux fragments de Sylvie Cadinot-Romerio sur « nos quartiers » une comptine de quartiers de fruits. Lise Forment, face à la misère inhérente à l’homme que peint Théophile de Viau nous invite à trouver du réconfort dans sa plainte, sortie hésitante quelque part du côté de la poésie. La poésie s’est mêlée à la physique, dans Juste et dans le dernier poème de Sebastian Amigorena : « La science reflète nos yeux brillants, la poésie nos yeux humides. » Il y a eu enfin la sortie en peinture d’Henri Ekman : un homme (un lapin ? un lapin de Pâques ?) qui nous regarde (masqué ? maquillé ?) et au dessus, mais non pas en surplomb : « Only human ».

En bref, nous avons continué à chercher, à enquêter à l’image des protagonistes du roman-feuilleton de Barbara Kadabra. L’enquête avance, des messages s’échangent et des liens se font progressivement (j’ai hâte !) ; on trouve également des messages dans le dernier dreamscape de Mary Shaw et l’enquête vient un moment se substituer à la fable dans « La cage et le pinson bleu » : que faire du chat qui a blessé l’oiseau ? Rien n’est laissé de côté, tout est soulevé : du nom de nos rides (Noémie Bys), en passant par ce dont nos nuits sont faites (Tiphaine Pocquet et Jennifer Pays) et ce que cachent nos monstres (Noémie Bys et Boris Verberk), l’abécédaire va dans les recoins de nos vies, inventaire baroque. Des silhouettes plus ou moins connues qui nous ressemblent apparaissent aussi dans les saynètes : celle de la cheffe de Marie NDiaye (Gilbert Cabasso), celle de Gatsby (André Bayrou), celles de Sabina et de Tomas (Mathilde Faugère), celles des buveurs de café de Constantinople et d’aujourd’hui (Tiphaine Pocquet et Antoine Galland, autour d’un café, et d’un texte). L’enquête, celle de savoir ce que la littérature nous fait, passe par ces figures, à qui nous empruntons, et les exergues reprennent la question de la transitionnalité en multipliant les réponses : il s’agit de privilégier la transition à la substitution du même au même pour Brice Tabeling avec Monique David-Ménard. En fait il s’agit finalement d’arrêter d’attendre, et de s’entrainer, comme Balzac et Benoit Autiquet, à « “formuler ses pensées en paroles”, et, mieux, à formuler des paroles qui surprendront ses pensées ».

 

Bonne lecture !