Hélène Merlin-Kajman

28 janvier 2012

 

Enseignants, enseignements

Le manifeste de Transitions se termine sur la différence, empruntée pour l'occasion à un texte célèbre de Walter Benjamin, «  Le conteur », entre l'expérience et l'information  : nous y proposons de placer l'enseignement (les enseignements) du côté de l'expérience, entendue comme le rapport entre ce qui arrive et ce qu'on en peut narrer. C'est une manière pour nous d'évoquer la question de la transmission, qui nous tient à coeur, et de proposer un style de conjugaison  entre le passé et le présent (donc aussi, par là, une figuration de l'avenir) qui ne soit pas de pure information, de pure connaissance.

Cette question, nous n'avons pas l'intention de la poser sans les enseignants eux-mêmes et sans leur expérience. Voilà pourquoi dès la première semaine de l'ouverture du site, on pouvait y trouver un croquis-reportage d'Ivan Gros qui, prenant l'occasion d'une page du journal Le Monde consacrée à l'humiliation des élèves en milieu scolaire, s'interrogeait en retour sur la perte de confiance en soi des enseignants. Voilà encore pourquoi, outre la qualité intrinsèque de son travail, nous avons accueilli Pierre-François Berger avec tant d'enthousiasme.

Cette semaine, nous rencontrons la question de l'enseignement d'une autre façon - et même, de plusieurs autres façons. L'exergue de Stéphanie Burette, actuellement enseignante en collège, commente une phrase de Denis Kambouchner portant sur un concept central de la théorie érasmienne de l'éducation, la repuerescentia. Nick Hammond, chercheur chevronné et enseignant enthousiaste à l'université de Cambridge, répond au questionnaire sur la littérature sans rien éluder de la question de son enseignement. Enfin, la rencontre dont nous publions aujourd'hui le compte-rendu, le 28 novembre 2011, avec Isabelle Guary, professeur de Lettres à Narbonne, et Jean-Louis Jeannelle, enseignant-chercheur à l'université de la Sorbonne, nous a donné l'occasion de réfléchir aux enjeux d'un programme de littérature dans l'enseignement secondaire : la polémique suscitée par la présence des Mémoires de guerre de De Gaulle au programme des Terminales L en 2010-2011 et 2011-2012 en a été l'occasion.

Vous le verrez, les riches exposés d'Isabelle Guary et de Jean-Louis Jeannelle, puis le débat qui les a suivis, ont soulevé de nombreuses et importantes questions. Notamment, celle de la place récente prise par la littérature dite de témoignage dans l'enseignement. Transitions s'intéresse de près à ce type d'enjeu. Nous appelions, dans le manifeste, à trouver des voies - des couleurs - nouvelles pour peindre l'avenir. Quelle place doit avoir le passé pour une telle tâche ? Cet autre débat se dessine à l'horizon du précédent.

Nous espérons le continuer avec tous ; et souhaitons tout particulièrement que ce site devienne un lieu de partage pour tous les enseignants.