Juste une fable n° 10
Trope n° 5
La lune et le loup
La nuit était profonde. Va savoir pourquoi ! La lune était cachée. Elle s’était réfugiée au fond d’un puits.
– Au fond d’un puits, me dit l’enfant. Mais quelle idée !
– Au fond d’un puits, parfaitement. Elle en avait assez d’éclairer des hommes aussi fous que nous le sommes. Cela faisait trop longtemps que les enfants comme toi voulaient la décrocher sans même l’avoir regardée.
– Ah bon, répond l’enfant. En somme, elle boudait au fond de son puits. Elle croyait sans doute que des adultes comme toi s’en apercevraient et s’en iraient la rechercher. « Ne soyez pas fâchée, Madame la lune, revenez parmi nous, pardonnez à ces pauvres enfants égarés. »
Je sourirai sous cape à cette pointe bien lancée.
– Mais ce n’est pas fini, dirai-je.
– Pas fini ? Quelqu’un va nous raccrocher la lune ?
– Un renard passait par là, qui vit la lune au fond du puits. Il avait grand faim, comme les renards ont toujours. « Voici un fromage délicieux qui ferait bien mon affaire », pensa-t-il aussitôt. Le seau n’était pas loin. Il y monte, il se laisse descendre au fond du puits. Et là, on peut bien imaginer sa déconvenue. Mais que faire ?
– Au moins, il n’est pas seul, dira l’enfant, moqueur. Je me demande comment tu vas t’en tirer.
– Enfant de mon cœur, écoute-moi sans m’interrompre à tout instant.
Le renard salue la lune bien bas. Et, tu peux me croire, tous deux étaient bien étonnés.
– Vous voilà donc, dit la lune après un petit moment de silence. Vous m’avez confondue avec un fromage. Ça ne vaut pas mieux que de vouloir me décrocher sans même me regarder... Maintenant, vous aimeriez bien qu’un loup passe, fit remarquer la lune.
Le renard, honteux, regarde la lune, la regarde, la regarde. Car la lune au fond du puits ne lui déplaisait pas, pour tout dire.
– C’était téléphoné, dit l’enfant.
– Mais c’est toujours téléphoné, dirai-je doucement. Tu verras...
– Et après ?
– Alors, après un bref moment de confusion, la lune est sortie de son puits tout doucement, a tiré le renard au moyen du seau. Et puis, dans le grand silence de la nuit, chacun s’est éloigné doucement...