Colloque international

« Science des textes d’ancien régime : Stylistique historique et / ou Analyse du discours ? »

EA 4509 « Sens, Texte, Informatique, Histoire »

Avec le soutien financier de l’UMR 8599 « CELLF 17e-18e », de l’ED V « Concepts et langages » et du Conseil scientifique de l’Université Paris-Sorbonne

Jeudi 15, vendredi 16 et samedi 17 mars 2012

Université Paris-Sorbonne / Paris IV

Salle des Actes

Programme : cliquer ici

argumentaire

            La stylistique historique (au sens de Georges Molinié 1989 : 43 et suiv., ie, en tant qu’« examen des conditions formelles de la littérature du passé » ) peut-elle aujourd’hui s’exercer en dehors du champ de l’analyse du discours ? Le cas échéant, qu’y gagne-t-elle ? Ces deux questions non consensuelles, qui ne récusent toutefois ni la nécessité ni l’apport – considérable – d’une approche discursive des textes, devraient permettre aux spécialistes d’histoire des formes :

• de reprendre à nouveaux frais la question de la littérarité pour les textes d’ancien régime. Sans se départir de la perspective démythifiante à laquelle a heureusement contribué l’analyse du discours, des propositions récentes – et pas nécessairement convergentes – comme celles de Delphine Denis sur la nouvelle philologie ou encore celles d’Hélène Merlin-Kajman sur l’histoire culturelle, laissent à penser que les productions lettrées de l’ancien régime peuvent – doivent ? – faire l’objet d’un traitement spécifique. Elles semblent se distinguer des autres pratiques discursives contemporaines par la « valeur » qui leur est attachée, non pas la valeur – de facto anachronique – du beau, mais celle de désintéressement ou de gratuité, qu’Hélène Merlin, étudiant les querelles littéraires du XVIIe siècle, a récemment ressaisie en termes anthropologiques : dans cette perspective, les textes littéraires de la première modernité s’inscriraient tous peu ou prou dans une logique du « don ». Partant, si ces analyses sont correctes, la production lettrée de la période considérée ne serait pas réductible au circuit de l’échange marchand et /ou institutionnel dans lequel les travaux de sociologie de la littérature voire ceux d’analyse du discours (si l’on songe, tout du moins, aux récupérations que les spécialistes de l’âge classique ont pu faire, notamment, de l’œuvre de Dominique Maingueneau) l’ont inscrite depuis plus d’une vingtaine d’années. L’une des tâches de la stylistique historique consiste peut-être à produire des outils d’analyse qui, différents de ceux de l’analyse du discours, permettront d’en penser et d’en décrire tout à la fois les modalités d’inscription et de sortie.

• de revenir sur la césure radicale dont se soutient le tout récent livre de Gilles Philippe et Julien Piat (dir.), qui, opposant la littérature-discours d’avant 1850 à la littérature-texte d’après 1850, rabattant la langue de la production lettrée d’avant 1850 sur celle de la langue commune, évalue celle-là en terme de « norme haute » pour celle-ci, et récuse à la première son statut de « langue littéraire ». Cette ligne de partage prolonge les propositions bourdieusiennes sur l’autonomisation de la littérature dans la seconde moitié du XIXe siècle. À l’intérieur des sciences du texte, elle introduit une scission disciplinaire : aux spécialistes de l’ancien régime et du romantisme l’analyse du discours ; aux spécialistes de la modernité post-flaubertienne la stylistique.

• de réfléchir à la question – aujourd’hui cruciale pour nos pratiques d’enseignement – de la transmission : qu’est-il donné à la stylistique historique de transmettre ? Peut-elle transmettre autre chose que ce que transmet l’analyse du discours, soit, une description du contexte (d’apparition et de réception) ? Peut-elle et doit-elle se sortir de cette logique où la « transmission » s’apparente à une simple « mise à disposition » ? À quelles conditions lui est-il donné de ressaisir, dans un cadre d’analyse non mystique, la question de la transmission du goût de la littérature, ie, non pas seulement de son sens historique passé, mais de son sens renouvelé dans la trans-historicité d’une émotion, d’un plaisir de lecture communément partagé ?

Ces questions en appellent bien d’autres, notamment sur le statut du style en analyse du discours, ou encore sur le sens (chronologique ou non) de la relation passé-présent – bref, sur le « régime d’historicité » (F. Hartog 2003, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps. Paris : Seuil) qui sous-tend respectivement la stylistique historique et l’analyse du discours. Elles prennent acte du fait que nombre de chercheurs qui se réclamaient, dans les années 1990, de la « stylistique historique » en appellent aujourd’hui à l’analyse du discours, et ont parallèlement délaissé les corpus d’ancien régime, pour travailler sur l’extrême contemporain. Ce double décentrement est-il anecdotique ? Si non, de quoi est-il symptomatique ? Quel est l’avenir et la tâche de la stylistique historique ?

Bibliographie indicative

Adam, Jean-Michel (2002). « Le style dans la langue et dans les textes ». Langue française, n° 135, pp. 71-94.

Adam, Jean-Michel et Heidmann, Ute, dir. (2005). Sciences du texte et analyse de discours. Enjeux d’une interdisciplinarité. Genève : Slatkine.

Amossy, Ruth et Maingueneau, Dominique, dir. (2004). L’analyse du discours dans les études littéraires. Toulouse : PU du Mirail.

Badiou-Monferran, Claire, dir. (2010). Il était une fois l’interdisciplinarité. Approches discursives des Contes de Perrault. Louvain-la-Neuve : Academia Bruylant.

Boutier, Jean, Passeron, Jean-Claude et Revel, Jacques, dir. (2006). Qu’est-ce qu’une discipline ? Paris : EHESS.

Caron, Philippe (1992). Des « Belles Lettres » à la « Littérature ». Une archéologie des signes du savoir profane en langue française (1680-1760). Louvain-Paris : Peeters, coll. « B.I.G. ».

Chiss, Jean-Louis et Dessons, Gérard, dir. (2005). Linguistique et poétique du discours. Langages, n° 159.

Denis, Delphine, dir. (2007). Éditer L’Astrée . XVIIe Siècle, n° 235.

Denis, Delphine (2009). « La “ Vraye Astrée ” d’Honoré d’Urfé. De l’œuvre au corpus ». Corpus, n° 8, pp. 67-83. 

Heidmann, Ute, et Adam, Jean-Michel (2010). Textualité et intertextualité des contes. Perrault, Apulée, La Fontaine, Lhéritier… Paris : Classiques Garnier.

Jaubert, Anna (2007). « La diagonale du style. Étapes d’une appropriation de la langue ». Pratiques, n° 135-136, pp. 47-62.

Jenny, Laurent (2000). « Du style comme pratique ». Littérature, n° 118, pp. 98-117. Lien : http://www.fabula.org/atelier.php ? Du_style_comme_pratique.

Maingueneau, Dominique (2004). Le Discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation. Paris : Armand Colin.

Méchoulan, Éric (2004). Le livre avalé : de la littérature entre mémoire et culture (XVIe-XVIIIe siècles). Montréal : PUM.

Merlin-Kajman, Hélène (2009). « Le texte comme don public ». Études françaises, n° 45/2, Presses de l’université de Montréal, pp. 45-67.0

Merlin-Kajman, Hélène (2009-2010). « Donner du plaisir au public : un enjeu littéraire paradoxal ». La Revue, n° 4, Vendre, échanger, donner http://lrdb.fr/articles.php?lng=fr&pg=1327

Molinié, Georges (1991 [1989]). La Stylistique. Paris : PUF, « Que sais-je ».

Philippe, Gilles et Piat, Julien, dir. (2009). La langue littéraire. Une histoire de la prose française de Gustave Flaubert à Claude Simon. Paris : Fayard. Tadié, Jean-Yves, dir. (2007). La littérature française. Dynamique et histoire, T. I et II. Paris : Folio essais.

Tadié, Jean-Yves, dir. (2007). La littérature française. Dynamique et histoire, T. I et II. Paris : Folio essais.

Organisation du colloque

Claire Badiou-Monferran, Université Paris-Sorbonne, EA 45 09 « Sens, Texte, Informatique, Histoire »

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Comité scientifique

Jean-Michel Adam (Université de Lausanne) ; Philippe Caron (Université de Poitiers) ; Delphine Denis (Université Paris-Sorbonne/Paris 4) ; Georges Forestier (Université Paris-Sorbonne/Paris 4) ; Ute Heidmann (Université de Lausanne) ; Mireille Huchon (Université Paris-Sorbonne/Paris 4) ; Anna Jaubert (Université Sophia Antipolis, Nice) ; Eric Méchoulan (Université du Québec, Montréal) ; Hélène Merlin-Kajman (Université Sorbonne-nouvelle/Paris 3) ; Georges Molinié (Université Paris-Sorbonne/Paris 4) ; Gilles Philippe (Université Sorbonne-nouvelle/Paris 3) ; Aurelio Principato (Université Rome 3).

Conférenciers invités

Jean-Michel Adam (Université de Lausanne)

Ute Heidmann (Université de Lausanne)

Anna Jaubert (Université Sophia Antipolis, Nice)

Dominique Maingueneau (Université Paris-Est Créteil)

Gilles Philippe (Université Sorbonne-nouvelle/Paris 3)

Aurelio Principato (Université Rome 3)

 

 

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