Séminaire de Patrice Loraux :
« Changer d'entendement »
Séance du 05 janvier 2015
Préambule
Patrice Loraux est philosophe : agrégé, il a été maître de conférence à l’Université Paris 1 et directeur de programme au Collège International de Philosophie de 1989 à 1995. Il a écrit Les sous-main de Marx (Hachette, 1986) et Le tempo de la pensée, Seuil, 1993, et de nombreux articles.
Mais Patrice Loraux préfère dispenser un enseignement oral, penser-parler : et il suffit de l’écouter une fois pour comprendre. Il donne un séminaire à l’EHESS depuis 1995 (105, bd Raspail, s. 2). Nous sommes heureux et fiers que Transitions l’accueille cette année.
Sa pensée nous accompagne en effet depuis longtemps sans qu’il le sache, tout particulièrement les deux articles qu’il a publiés dans Le Genre humain n° 22 et n° 36 : « Consentir » et « Les disparus ». Brice Tabeling et Ivan Gros ont choisi de lui consacrer chacun un exergue (n° 6 et n° 89), et je le cite dans mon article « Ce qui cloche ». Ces deux articles se penchent sur les conditions nécessaires au « consentiment », fiabilité de l’affectivité commune sans laquelle aucun lien ne tient. Le second s’interroge plus particulièrement à la bonne façon de transmettre la mémoire de ceux qui ont disparu sous les coups de tortionnaires à une échelle qui atteint le collectif. Patrice Loraux écarte à la fois la solution du sublime, qui grandit et prétend réparer l’absence, et celle de la remontrance traumatique, du « strictement devant », qui culpabilise et désespère, voire anesthésie : « [L]a représentation, ce n’est pas seulement la question de la figuration, de l’infigurable, de l’impuissance de l’image, de la défaillance des témoignages, parfois de la dimension blasphématoire ou, en tout cas, voyeuriste à montrer ou à remontrer [...] la représentation, c’est aussi un sujet qui revient à lui, capable de recouvrer l’affectivité, c’est-à-dire une affectabilité qui ne soit pas submergée par la douleur ou par l’hébétude. »
A quelles conditions la littérature peut-elle constituer un « bon dispositif » ? Telle pourrait se résumer, à maints égards, la question qui nous réunit, à Transitions. Et plusieurs phrases de notre manifeste font écho à sa réflexion :
« L’âpreté de l’histoire ne condamne pas au reniement de tout passé. Pour peindre l’avenir, il faut couleurs et pinceaux, il faut géométrie, science des signes, des choses humbles, des choses savantes. Il faut, plutôt que continuer à faire le compte hébété des cicatrices, se souvenir des gestes, de la main qui dessine, du regard émerveillé qui se pose. Que suintent les plaies, hélas, il est trop vrai – et transit l’imagination : mais transir l’imagination ne les guérit pas.
Nous ne voulons plus transir - appelons à transiter, transhumer, traditionner, transporter ! »
H. M.-K.
Patrice Loraux : Changer d'entendement
Séance n° 1
00 : 00 : 21 : Changer d’entendement : qui ? Par rapport à quoi ?
00 : 03 : 25 : La jouissance à ratiociner
00 : 03 : 45 : « Bulles de savon »
00 : 04 : 21 : Passer à un entendement effectif
00 : 05 : 08 : Kant et la notion d’intérêt
00 : 06 : 14 : « Faites confiance à ce que vous comprenez, et vous comprenez »
00 : 07 : 04 : « Un nuage d’indications »
Une douzaine de notions [indiquées ci-dessous par un astérisque]
00 : 09 : 23 : *L’abrupt
00 :09 : 48 : *La relance
00 : 11 : 08 : *Un combat : les tenants des préliminaires (Husserl) vs les partisans du passage immédiat à un intérêt déterminé. Combat interminable, peut-être irréductible
00 : 16 : 21 : *La notion d’exercice
00 : 17 : 40 : *La philosophie elle-même
00 : 22 : 08 : L’apport de Marx : une philosophie n’a pas besoin de son philosophe
00 : 22 : 50 : *Les imaginaires de la philosophie
00 : 25 : 05 : La croyance sociale à propos de la philosophie
00 : 28 : 00 : *L’insistance du cours du monde
00 : 29 : 24 : Deux styles de philosophie possible
00 : 32 : 40 : * Distorsion entre le cours du monde et l’instance qui opère en philosophie
00 : 34 : 00 : *La technicité philosophique : une fausse protection qui ne sert que d’épouvantail
00 : 38 : 35 : *L’ornière
00 : 39 : 13 : *La notion de mirage
00 : 40 : 28 : De l’utilité des faux pas en philosophie
00 : 44 : 40 : « Se diriger vers un intérêt digne d’intérêt » ; les deux sortes d’intérêt
00 : 49 : 38 : L’excitation de l’entendement ; les seuils, les jointures
00 : 53 : 35 : Corrélation entre un intérêt par soi et un entendement en train de se transformer
00 : 59 : 00 : Le passé d’exercice
01 : 00 : 00 : Le danger de la culture : toucher à un domaine sans l’éprouver ; la philosophie menacée par la culture
01 : 03 : 10 : Un soupçon
01 : 06 : 24 : « Être contaminé par d’effroyables folies pour faire de la philosophie »
01 : 07 : 17 : La philosophie ne fait que se signaler, toujours sous conjecture
Les modifications de l’exercer naturel [indiquées ci-dessous par un astérisque]
01 : 10 : 25 : *Suspension de la thèse du monde (Husserl)
01 : 12 : 00 : *Annulation des corrélats naturels
01 : 13 : 10 : *Surenchère de l’outrepassement
01 : 13 : 45 : * Mise en soupçon de l’évidence
01 : 15 : 29 : Tous les grands objets de la philosophie sont des irréalités
01 : 17 : 30 : Statut de l’incompétence, en philosophie
01 : 19 : 05 : « Je m’étais peut-être engagé dans une ornière »
Un deuxième « nuage » de cinq blocs de problèmes [indiqués ci-dessous par un astérisque]
01 : 27 : 50 : *La philosophie est du côté de l’activité et jamais du côté de la doctrine
01 : 28 : 50 : *Quel est l’agent philosophant ? Une sorte d’aiguilleur
01 : 30 : 00 : *Le philosopher isolable du vivre ?
01 : 33 : 30 : *Pas de philosophie sans flair
01 : 38 : 13 : *La modification de l’exercice naturel
01 : 38 : 33 : Toutes les déterminations sont à l’état flottant ; la philosophie elle-même flotte dans l’incertitude de ses bords
01 : 42 : 10 : Risque d’apories
01 : 43 : 36 : Une philosophie est précédée par le style dans lequel tout va s’enclencher