Séminaire « Critique sentimentale »
Séance du 16 octobre 2015

 
Stendhal, La Chartreuse de Parme

 

Pierre Pachet

16/10/2015

                                                          

Cette année, le thème retenu sera « Les écrivains parlent des écrivains ». Le premier exemple (avant d'en venir à Proust et à Nabokov), sera la lecture amicale et critique que Balzac a faite de La Chartreuse de Parme, à sa parution en avril 1839. Dans la lettre qu'il envoie alors à Stendhal, puis dans la longue étude qu'il consacre au roman dans la Revue parisienne en septembre 1840, Balzac écrit : « Si Machiavel écrivait de nos jours un roman, ce serait La Chartreuse. »

C'est ce rapport de Stendhal à Machiavel que nous voudrions interroger dans un premier temps : certes, la principauté de Parme du roman, entre 1796 et les années 1830, n'est qu'un petit État, mais les questions agitées par le Prince, par la duchesse, par le général Conti, par le fiscal Rassi sont machiavéliennes : comment gouverner, avec quelle mesure de cruauté et de bienveillance, en s'appuyant sur quelle couche sociale, sur les libéraux ou sur les réactionnaires, sur quelles ambitions, sur quel désir de dominer des grands et quelle résistance à l'autorité dans le peuple (paysans et bourgeois de Parme) ?

Mais un Machiavel vu à travers le prisme stendhalien, si singulier. Puisque pour le romancier l'essentiel est semble-t-il de percer l'hypocrisie, rattachée au jésuitisme, et d'atteindre à la vérité du cœur, cette vérité qui se révèle surtout chez les femmes amoureuses et que Fabrice cherche en lui-même.

Pour étudier la façon dont Stendhal mêle politique et roman (« c'est un coup de pistolet au milieu d'un concert », écrit-il au chapitre XXIII), nous regarderons certaines scènes du roman. Quelle édition ? Il y a eu une édition au Livre de Poche, présentée par le grand stendhalien V. del Litto ; actuellement le Livre de Poche en propose une édition due au professeur P.-L. Rey, de Paris-III. Nous nous référerons à l'une de ces éditions. Apportez celle que vous avez : nous nous y retrouverons grâce à la division en chapitres de ce long livre que Stendhal a dicté du 4 novembre au 26 décembre 1838, avec une stupéfiante rapidité, et une mobilisation de ses idées et souvenirs, dont le lecteur ressent l'heureuse contagion.